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souleva au-dessus de sa tête en ouvrant une bouche large comme un four, et il ingurgita le tout d’un seul trait, comme font les saltimbanques lorsqu’ils avalent une lame de sabre. Un verre d’eau compléta ce bref repas, et le Mercure allait se livrer aux douceurs de la sieste sans penser à son message, quand, par bonheur pour notre abbé, un autre enfant à jeun, alléché par le macaroni et le demi-carlin de cuivre, vint offrir ses services à Antonietto en lui donnant de la seigneurie. Cet enfant connaissait la belle Lidia, et, dans l’espoir d’une récompense, il promit à Antonietto de lui désigner non-seulement cette personne, mais toutes celles qui assisteraient à la messe, et dont il prétendait savoir les noms et qualités. On se rendit à l’église, et les deux gamins, avec leurs yeux de lynx, distinguèrent tout de suite la signora Lidia au milieu d’une foule considérable. La belle veuve écoutait dévotement l’office divin, lorsqu’elle sentit une main tirer furtivement le bas de sa robe. Elle vit sortir entre deux chaises la mine espiègle d’un enfant qui se traînait sur les genoux et les mains.

— Que me veux-tu, guaglione ? lui dit-elle.

— Prenez cela, contessine, répondit Antonietto, en présentant le billet. C’est une lettre de don Geronimo, votre futur époux, à qui vous avez juré une fidélité éternelle hier à Capo-di-Monte. Je viendrai chercher la réponse à l’heure des vêpres, ainsi que le seigneur mon maître me l’a ordonné.

Antonietto se retira doucement comme il était venu, et, en attendant les vêpres, il s’endormit au pied d’un mur, la tête à l’ombre et les pieds au soleil. Les métaphores du bon Geronimo ouvrirent sans doute à deux battans le cœur de la dame, car, en revenant à l’église, elle fit de loin un signe amical au petit messager pour lui ordonner d’approcher.

— Voici ma réponse, dit-elle, en tirant une lettre de son sein. L’amour a bien inspiré ton patron. Dis-lui qu’il a deviné précisément la conduite qu’il devait tenir, en me laissant le soin d’éloigner tous ces rivaux ennuyeux qui rôdent autour de moi. Dis-lui qu’il a de l’esprit comme un ange et autant de prudence que de gentillesse, que je le prie de lire avec des yeux indulgens ce billet où il ne trouvera ni belles images, ni poésie, ni éloquence, comme dans sa lettre, qui ne ferait pas de tort à la plume du grand Métastase. Dis-lui encore qu’il m’écrive dimanche prochain par la même voie, et que sa prose ou ses vers seront bien reçus, et tu ajouteras que Lidia Peretti, veuve du pauvre Matteo Peretti, ne demande pas mieux que de s’appeler autrement, par exemple Lidia Troppi, et que s’il dépendait d’elle, ce serait chose faite. Va ; il comprendra ce que cela signifie, lui qui est si rusé ! Et ne manque pas de lui dire surtout que je pense à lui, et tu termineras par ces mots que je n’ai point osé écrire, de peur d’offenser la modestie : c’est que je l’aime parce qu’il est beau. Tâche de ne pas oublier tout cela, et pour