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lasse. C’était là que devait revivre la pensée de la fusion ; c’était là qu’on devait rêver à loisir aux moyens de fusionner, sans qu’ils s’en doutassent, deux partis qui ne se rapprochent jamais que pour rompre, parce qu’ils rompent aussitôt qu’ils sont assez rapprochés pour se regarder en face. Par cette raison et par d’autres, cette réunion était devenue tout de suite un rendez-vous d’élite où la foule n’abondait pas. Le bruit courut cependant qu’on faisait là quelque chose, qu’on y voulait aborder ce qu’on nomme la politique d’action ; mais aussitôt le bruit fut démenti par les assurances, certes, les plus sincères, et l’on protesta en toute vérité qu’on ne faisait rien.

Nous nous arrêtons avec une certaine complaisance sur ces bons antécédens, qui ne datent que d’hier, pour que l’inconséquence, et si le mot n’était pas trop léger dans une occasion aussi grave, pour que l’étourderie du revirement actuel en ressorte davantage. Ce revirement s’explique sans doute ; il s’explique par la faute d’une situation générale intrinsèquement mauvaise, dont tout le monde subit les inconvéniens, dont le vice envenime des circonstances qui seraient autrement insignifiantes. Il s’explique plus particulièrement par les torts des humeurs personnelles qui débordent à l’aventure et multiplient les difficultés durables pour se procurer des satisfactions trop souvent mesquines et toujours éphémères ; il s’explique enfin par la tactique cent fois regrettable que nous reprochons ouvertement à toute une fraction de l’assemblée, puisque les hommes raisonnables et consciencieux du parti légitimiste ne prévalent plus contre l’effervescence des brouillons. Telles sont les causes qui ont produit une rupture presque flagrante au sein de l’état, et il faut passer pour ainsi dire en revue les épisodes de cette funeste querelle pour imaginer comment d’accidens en accidens elle a pu s’aigrir si fort. Probablement il y a eu d’abord du hasard, puis les ressentimens et les calculs s’en sont mêlés, et les esprits une fois lancés dans ces voies d’agression, ils y sont restés avec une opiniâtreté d’autant plus tenace, que l’on a su leur persuader ou qu’ils ont feint de croire que c’était le parlement qui était sur la défensive. On est ainsi revenu d’emblée aux soupçons et aux alarmes de la commission de permanence : l’heureux effet du message n’aura pas duré deux mois, et cependant on ne saurait dire équitablement que la trêve ait été violée par celui qui l’avait proposée.

Le premier échec qui ait endommagé ces relations amicales, auxquelles on pouvait se flatter de voir plus d’avenir, ç’a été le succès fort inattendu des interpellations de M. Pascal Duprat sur les loteries autorisées par le gouvernement. Un jeune représentant du parti conservateur se crut obligé de servir de second à un montagnard si rigoriste, et le puritanisme de ses respectables traditions domestiques lui parut tout-à-fait de mise dans une alliance intime avec la sévérité républicaine de M. Pascal Duprat. On est quelquefois si pressé de se faire une importance plus personnelle que celle qu’on doit à son nom, que l’on ne regarde pas assez aux nuances très diverses sous lesquelles on peut réussir à paraître important. La nuance pouvait être ici mieux choisie. Quoi qu’il en soit, l’assemblée, appelée à voter sur l’ordre du jour pur et simple, en présence d’un ordre du jour motivé qui contenait une censure très directe du gouvernement, commença par écarter le premier, ce qui semblait conclure au second. La majorité n’avait certainement pas eu conscience d’elle-même en votant comme elle avait fait, puisqu’elle fut très visiblement déconcertée d’a-