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n’existait pas, que c’était un club illégal qui, du fond d’une rue de Francfort, s’arrogeait ce titre-là. Les diplomates de Francfort répondaient en affirmant qu’ils existaient si bien, qu’à preuve de leur vitalité, au premier mouvement effectif de l’union prussienne formée désormais, on doit l’avouer, de la Prusse à peu près seule, ils mettraient le holà. Ils ont tenu parole. Quand le litige est passé dans les faits, quand il y a eu un point de fait à résoudre, et non plus un point de droit, quand il a fallu déterminer à quelles suggestions on obéirait dans la Hesse et dans le Schleswig-Holstein, l’Autriche, sous le nom de la diète de Francfort, a réclamé cette obéissance, et elle a prévalu sur la Prusse, qui dissuadait les Hessois et les Holsteinois de la soumission ; mais ne nous y trompons pas, la victoire de l’Autriche n’a point porté sur le fond même des prétentions prussiennes. Il n’y a eu qu’un pur incident de vidé, il a été vidé, sans contredit, à l’avantage de l’Autriche ; mais la Prusse entend bien qu’elle garde encore son droit, son principe tout entier. La Prusse ne veut point avoir sacrifié quoi que ce soit dans la convention d’Olmütz ; elle maintient avec une sorte de fierté qu’elle a réservé tout le dualisme.

Cette attitude de la Prusse, au moment où ses troupes reculent devant les corps d’exécution de l’armée austro-bavaroise en Hesse-Cassel, peut paraître singulière ; elle est pourtant très conforme aux subtilités de logicien avec lesquelles on traite en Allemagne les choses politiques. La Prusse avait encouragé la résistance des Hessois contre le prince-électeur, celle du Schleswig-Holstein contre le Danemark ; elle se joint à présent aux puissances qui veulent rétablir les autorités contestées dans ces deux pays. On inclinerait volontiers à penser que ce revirement est une abdication ; que, puisque la Prusse abandonne ses alliés à l’Autriche, c’est qu’elle rentre, sous la loi du pacte de 1815, dont l’Autriche invoque l’autorité ; c’est qu’elle se confond docilement avec les états allemands dans l’ancien ordre fédéral où l’Autriche avait la présidence : pas le moins du monde ! La Prusse ne s’est point départie de la situation nouvelle qu’elle s’est attribuée le 26 mai 1849 ; elle ne veut point d’autre terrain que celui de la constitution du 26 mai ; elle se pose vis-à-vis de l’Autriche, non point comme membre égal d’une même association, mais comme état tout-à-fait distinct ; elle récuse la tradition et l’obligation des vieux liens fédéraux ; elle n’accepte le débat que comme puissance européenne, non comme puissance allemande.

C’est sur ce pied-là qu’elle se présente à Dresde, et qu’on devine un peu comment elle se prouve à elle-même cet isolement, cette indépendance qu’elle revendique ! Peu s’en faut qu’elle ne se félicite de concourir à l’exécution des mesures dirigées par l’Autriche contre la Hesse et le Holstein, car, étant invitée à y concourir avec ses propres troupes et ses propres commissaires, elle intervient ainsi ostensiblement, en sa qualité privée d’état distinct, à côté de l’armée des diplomates de Francfort que l’Autriche avait réunis tout exprès pour lui ravir cette qualité. Le dualisme est donc sauf ; qu’importe après cela tel ou tel désagrément de circonstance ? Il n’est certes pas agréable d’avoir à changer si brusquement de conduite par devant l’Europe et de ramener aujourd’hui, fût-ce de force, à la résignation ceux qu’on exhortait hier à s’émanciper ; mais ce ne sont là que des accidens d’ordre éphémère, et l’on s’en tient à la substance. Nous avons déjà dit que toute politique allemande empruntait