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forces, d’y attendre Georgey, et, si nous n’étions pas assez forts pour accepter la bataille, de nous retirer derrière la Gran dans une bonne position où nous pourrions attendre des renforts ; quelques autres généraux conseillèrent de se replier sur Pesth : l’opinion de ceux-ci l’emporta, et l’on envoya au second corps, qui venait de partir pour Waitzen, l’ordre de revenir sur ses pas et de se réunir au gros de l’armée. L’armée se remit en marche, arriva à une heure avancée de la nuit devant les faubourgs de la ville et bivouaqua dans la plaine de Rakos. Georgey nous fit suivre par son corps de réserve, composé de trois brigades (dix mille hommes) commandées par le général Aulich. Les brigades ennemies occupèrent les villages de Palota, Csinkota et Keresztur.

Le 8 et le 9 avril, nos troupes se reposèrent ; le 10, le prince ordonna une grande reconnaissance, l’armée s’avança jusqu’au ruisseau de Rakos. Des hauteurs de la rive droite, on distinguait avec des lunettes d’approche les troupes hongroises, qui occupaient les villages de Palota, de Csinkota et de Keresztur. On pouvait juger que les Hongrois avaient à peu près une brigade dans chacun de ces villages ; mais le prince voulait savoir si toute l’armée hongroise ; était derrière ces positions, car il commençait à craindre que Georgey n’eût poussé en avant ces trois brigades pour nous tromper sur son plan, et ne se fût porté avec toute son armée sur Waitzen ; notre corps ayant pris position sur la rive gauche du ruisseau de Rakos, le ban envoya le général Ottinger avec trois régimens de cavalerie et douze canons sur la route de Csinkota pour reconnaître ce village ; il m’ordonna d’accompagner le général.

Nous nous avançâmes lentement, couvrant notre front et notre droite de nombreux éclaireurs. Il pleuvait, l’air était plein de brouillard. La cavalerie du général Schlick, qui s’avançait sur notre gauche vers Kerepes, paraissait courir sur les nuages, et les soldats enveloppés dans leurs grands manteaux blancs ressemblaient à des fantômes. Le commandant de la brigade hongroise qui occupait Csinkota, nous voyant venir, commença à ranger sa troupe devant le village ; Ottinger laissa les cuirassiers en arrière, s’avança avec quelques escadrons des dragons de l’empereur, et, les ayant fait déployer, il les rangea à droite et à gauche de la route ; les Hongrois nous envoyèrent aussitôt quelques volées de boulets. Ottinger plaça ses deux batteries sur la gauche de la route. Nos boulets allèrent frapper au milieu d’une division de hussards ; plusieurs hommes tombèrent, les autres se retirèrent en désordre ; nos pièces redoublèrent leur feu. Ottinger conduisait tout avec une tranquillité parfaite : calme et impassible pendant que les boulets volaient autour de lui, il donnait des ordres brefs et précis comme sur un champ de manœuvre. Son énergie semblait magnétiser les dragons, qui se tenaient immobiles sous le feu de l’ennemi.

Cependant, un boulet ayant arraché l’épaule au lieutenant Micewski