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pour voyager, les femmes montent à cheval, jambe de ci, jambe de là, comme les hommes.

Les jardins et campagnes des environs d’Aréquipa jouissent d’une réputation due, selon moi, au contraste que forme avec eux la nature de sable qui les environne. Par quelque côté que vous sortiez de la ville, vous rencontrez le sable à l’instant même, et c’est au milieu d’une poussière qui vous étouffe que vous allez chercher ces jardins enchantés. Ce sont tout simplement des plantations de vignes et d’oliviers vivifiées par la rivière Chili, sorte de torrent qui traverse les faubourgs d’Aréquipa, ou par quelques petits ruisseaux dont les eaux sont chèrement achetées, et vont se perdre plus loin dans le désert ; mais la température est ravissante, l’air sec et pur, et l’on passe avec délices quelques heures à se promener, déjeuner et danser, si l’envie en prend. Des cabarets, pulperias, sont établis là où le ruisseau murmure le plus haut, où l’ombrage est le plus épais. Comme dans les guinguettes des environs de nos grandes villes, les promeneurs s’établissent au frais, et tout ce qui n’est pas très high life avale des brocs de chicha pour manger des gousses de piment rouge, et mange encore du piment pour boire de la chicha. La chicha est une boisson faite de maïs fermenté que les habitans du Pérou, blancs, rouges et noirs, aiment à l’excès. Une fois accoutumés au goût acidulé de la chicha, les Européens le trouvent agréable, et bien leur en prend, s’ils voyagent dans l’intérieur du pays, car c’est la seule boisson que l’on rencontre partout et en tout temps dans la sierra. Prise à fortes doses, la chicha produit une ivresse bestiale, comme celle causée par la bière.

On va chercher aussi, dans les environs de la ville, des bains d’eau froide qu’on dit très bons pour la santé. L’utilité de ces bains est contestée par beaucoup de gens qui font observer qu’Aréquipa étant à cinq mille pieds au-dessus du niveau de la mer, la température n’est nullement débilitante, et que des bains d’eaux thermales ou simplement d’eau chaude seraient d’une meilleure hygiène ; mais le plus grand nombre ne veut pas en convenir, parce que ces bains sont, pendant les mois de la chaleur (novembre, décembre, janvier, février), des lieux de rendez-vous fort amusans, où, sous prétexte de santé, tout le beau monde de la ville vient faire des parties de plaisir. Je dis tout le beau monde, et j’ai tort, non pas que le beau monde ne sympathise ici comme partout ailleurs et ne cherche aussi à se grouper en coteries, mais parce que ces bains sont des établissemens créés par le gouvernement ou la municipalité et par conséquent publics. Je veux dire simplement que, parmi les différens bains, il y en a toujours un plus fashionable et plus couru que les autres. Au reste, ce n’est autre chose qu’un vaste réservoir dallé avant de trois à quatre pieds d’eau ; pour s’habiller et se déshabiller, on est obligé de faire dresser sur les bords