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jeté en tas. Qui n’a vu que des mines d’Europe, où le minerai est chargé sur des brouettes ou enlevé dans des tonneaux, ne peut se faire une idée de l’extrême difficulté qu’il y a à transporter ainsi ces déblais. Les galeries ont de trois à quatre pieds de haut, le sol est couvert de six pouces de boue, les deux ou trois cents marches que vous avez à descendre pour arriver aux deux ou trois cents pas de galerie sont inégales, brisées et glissantes, et vous avez à ramper alternativement sur le dos et sur les genoux. Maintenant chargez-vous par la pensée d’un sac de pierres, pesant de quarante à cinquante livres, et partez !

L’entrée des mines d’argent au Pérou se trouve en général à une grande hauteur et dans les sites les plus escarpés. Il serait de toute impossibilité de former l’établissement principal sous une température glacée toute l’année sans bois et sans eau ; l’habitation du mineur, les moulins et les séchoirs sont construits dans une position moins désolée, à une température plus bénigne, et, s’il est possible, auprès d’un ruisseau ou d’une chute d’eau. C’est là que le minerai est porté, à sa sortie de la mine, à dos de mules ou de llamas.

Chaque pierre est concassée à coups de marteau ; les parties contenant l’argent sont mises en tas, et les parties de pierres seules jetées au loin. Des femmes et des enfans sont chargés de ce travail peu fatigant, et pour lequel il suffit d’une intelligence très ordinaire. Le minerai d’argent est porté au moulin, qui le réduit en poussière, et passé ensuite dans un tamis très fin ; cette poussière de terre et d’argent, mélangée d’une certaine quantité de sel, est mise au four, où elle cuit pendant huit ou dix heures : l’expérience seule peut indiquer le moment où la cuisson est parfaite. Du four, la poussière est portée sur un vaste séchoir dallé en pierres ou en briques, arrosé d’eau et de mercure qui la réduisent à l’état de pâte ; une portion de cet amalgame est livrée à chaque Indien, qui en fait un petit tas rond qu’il commence à piétiner, les pieds nus : ce piétinement dure de trente à quarante jours, selon la qualité du métal et la température de l’atmosphère ; si le temps est beau, si le soleil se montre constamment, le travail est moins long. À mesure que cette boue se sèche, l’Indien remet de l’eau et du mercure : on calcule pour le minerai de richesse commune deux livres de mercure sur une livre d’argent.

Pour savoir si le mercure s’est mêlé à toutes les particules d’argent avec lesquelles trente jours de manipulation l’ont forcément mis en contact, le chef d’atelier (c’est toujours un Indien qui n’a d’autres connaissances qu’une expérience, consommée de l’opération) prend un morceau de cette précieuse boue de la grosseur d’un œuf de pigeon et le met dans une assiette de bois creuse. Plaçant son assiette au niveau de l’eau (un réservoir est d’absolue nécessité sur les séchoirs), il la remplit d’eau et imprime à cette eau un mouvement circulaire qui