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plus généralement usité au Pérou. Dans la mine exploitée par le propriétaire anglais que le hasard avait fait mon compagnon de route d’Aréquipa à Puño, on avait renoncé à ces pratiques surannées pour employer les procédés de l’industrie européenne. M. B. avait muré l’extrémité d’un canal ouvert jadis pour l’écoulement des eaux ; il en avait fait un canal navigable pour deux bateaux en fer, qui, dirigés chacun par deux individus, transportaient au dehors les déblais amoncelés par les travailleurs. Le canal n’allant que jusqu’à moitié chemin, M. B. avait établi jusqu’à l’extrémité de la mine un rail sur lequel roulait un petit chariot en fer, conduit par une mule qui traînait facilement cent quintaux de déblai. Il faisait ainsi par jour l’économie du travail de quarante porteurs indiens.

Dans les mines du Pérou, les ouvriers sont d’ordinaire divisés en deux corps, dont l’un travaille de six heures du matin jusqu’à six heures du soir, et l’autre toute la nuit. Chaque individu reçoit 4 réaux par jour ou 52 sous, sur lesquels il doit se nourrir et s’habiller, deux dépenses peu coûteuses dans ce pays. Une soupe de pommes de terre fortement pimentée et du maïs grillé (cancha) forment la principale nourriture du mineur. Il boit pour ordinaire de la chicha, et de l’eau-de-vie les jours de fête. Pendant le travail, il mâche continuellement la feuille de la coca (erytroxilum peruvianum), dont le jus âcre procure une excitation nerveuse qui fait aisément supporter les rudes travaux des mines. Ce travail se faisait jadis par une conscription forcée d’Indiens que l’on nommait la mita. Sur la demande de tout mineur qui avait fait vérifier et enregistrer son droit de propriété et d’exploitation, les alcades, dans chaque village, étaient tenus de fournir un certain contingent d’Indiens que l’on nommait mitayos. D’après l’ordonnance royale, les mitayos devaient faire le service de la mita seulement pendant un an. Comme le faible salaire qu’ils recevaient ne suffisait pas, à beaucoup près, à leurs besoins, le propriétaire leur avançait, à un prix exorbitant, des effets et des vivres. À la fin de la première année ils étaient endettés et ne pouvaient s’éloigner ; d’année en année, les pauvres mitayos finissaient par passer leur vie entière au service du mineur. Quand ces malheureux partaient, ils emmenaient avec eux femme et enfans et disaient un éternel adieu à leur village. Rarement ils y revenaient ; le manque d’air dans les mines, le travail forcé et la misère faisaient chaque année de nombreuses victimes parmi les mitayos. Avec la révolution, cet abus a cessé : travaille aux mines qui veut, et tous veulent y travailler, parce qu’ils sont payés à 4 réaux par jour, au lieu de 2 réaux, prix de la main-d’œuvre aux champs.

Le travail des mines est fatigant, mais non mal sain pour les ouvriers, qui, leur journée achevée, trouvent chez eux un repas abondant