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avait le désavantage de paraître très gros ; à l’exécution, il n’est rien resté de ce désavantage. Les revues de Satory avaient le tort de prêter aux suppositions les plus aventureuses ; le message du 11 novembre a clos les apparences d’aventures. Le président doit comprendre aujourd’hui que la destitution du général Changarnier parle plus haut et en dit plus que les fanfares et les clameurs des escadrons de Satory. Il a jusqu’ici ou évité de blesser des susceptibilités légitimes ou réparé les blessures : il n’en a jamais eu de plus grande à guérir, et ce n’est pas son intérêt de la laisser au vif. Il lui en coûtera si peu pour y mettre du baume !

Quant à l’assemblée nationale, nous sommes bien forcés de le confesser, elle s’est elle-même attiré cette regrettable atteinte. Si ses erreurs de la dernière quinzaine, si l’affaire Mauguin, si l’affaire Yon n’avaient pas compromis son attitude vis-à-vis du pays, on l’eût sans doute ménagée davantage. Elle a fait momentanément sa propre faiblesse en outrant le système des taquineries, et, quand elle a reçu ce grand coup en représaille des petits auxquels elle s’était amusée, le premier mouvement de l’opinion n’a pas été de la plaindre. Ce n’est point une raison pour que le second n’amène pas la réflexion avec lui. La réflexion veut que des pouvoirs qu’on ne saurait contraindre à s’aimer, puisqu’ils ont été mis au monde pour se déplaire, apprennent cependant à se supporter en présence de tous les ennemis qui épient leurs discordes. La réflexion veut encore que le principe de libre discussion et de libre contrôle, que le principe parlementaire, qui est la source et la base de tout notre état politique, ne soit jamais ravalé. Nous ne craignons pas l’empire, nous l’avons dit de reste, nous ne craignons que les caprices d’omnipotence, toujours si funestes au pouvoir exécutif, quand celui-ci n’a que des points d’appui précaires. Le plus précaire de tous, et celui pourtant sur lequel il se repose le plus aujourd’hui, l’opinion, se déplace vite. Le vent de l’opinion soufflait en vérité bien plus fort dans les voiles de l’Élysée, quand le public croyait l’Élysée presque molesté par M. Dupin. Il ne faudrait pas se laisser aller à penser que l’on trouverait au dehors beaucoup d’indulgence pour une revanche trop rigoureuse.

Ce sont là les impressions plus ou moins générales que les événemens nous ont paru produire : les événemens sont d’ailleurs peu nombreux, et le récit ne nous en sourit guère, parce qu’ils ont encore toute la petitesse de ceux qui les avaient précédés ; mais il y a telles maladies profondes qui ne se révèlent que par des symptômes minimes. L’année avait pourtant mieux débuté qu’elle n’avait fini, M. Yon ayant bien voulu donner sa démission et terminer de son chef le conflit élevé sur sa personne. M. Dupin, il est vrai, avait encore eu quelques difficultés, mais il assurait lui-même que ce n’était rien. Dans sa visite officieuse au président de la république, à l’occasion du jour de l’an, la conversation s’était montée tout d’un coup sur une corde assez aigre ; les amateurs de querelles et de scandales avaient essayé d’exploiter la circonstance, et de fait M. Dupin, qui était ce soir-là en grande veine de politesse, n’avait obtenu en retour qu’une amertume qu’il eût mieux valu taire. M. Dupin a du moins eu le mérite, en cette circonstance, de ne point se sentir fâché.

La montagne avait manqué la partie qu’elle se promettait ; elle ne devait rien perdre pour avoir attendu. En journal accoutumé à des relations assez