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par les souverains catholiques. Le puseysme, de son côté, paie maintenant les frais de la guerre qu’on a déclarée au papisme. L’évêque de Londres, par exemple, a ordonné une enquête minutieuse sur toutes les pratiques romaines qui s’étaient introduites dans le culte anglican, et ses archidiacres visitent assidûment les églises pour prendre note des surplis et des cierges qu’ils y voient paraître. De cette petite guerre sortent tantôt des épisodes assez peu sérieux, tantôt des conversions, ou, comme disent les ennemis du romanisme, des perversions définitives. Les ecclésiastiques réclament contre des investigations qui leur semblent contraires à la liberté des paroisses, ou bien ils passent tout-à-fait au catholicisme. Il se forme même des comités laïques pour veiller au maintien de la liturgie nationale, et l’on va jusqu’à charger des reporters de saisir la physionomie des temples suspects et de sténographier les sermons des ministres qui les desservent. En somme, le mouvement paraît toujours renfermé dans un cercle trop choisi pour lui permettre de devenir très contagieux : c’est la meilleure raison que lord John Russell puisse avoir pour se dispenser de donner aux exigences protestantes des satisfactions qui seraient en vérité trop contraires à ses principes.

Il y aura là sans doute une difficulté ; quels que soient néanmoins les embarras qui menacent le cabinet à la rentrée des chambres (et la situation de l’église est assurément parmi les plus graves), le cabinet aura pour se soutenir tout l’appui que lui prête la prospérité du pays. Le tableau du revenu public offre, pour l’année accomplie au 5 janvier 1851, un accroissement de 164,922 livres sterling sur l’année 1850. Ce tableau est un document essentiel dans la grande cause de la liberté du commerce ; c’est une source d’argumens dont on s’est déjà saisi, en Angleterre, contre les protectionnistes. Déduction faite de tous les paiemens que la dette publique et les services de l’état mettent à la charge du trésor, il reste un excédant disponible de plus d’un million sterl., 1,012,817 liv. Et cependant les droits sur les esprits et les sucres ont encore subi une nouvelle réduction à partir du mois de juillet, et l’on a sacrifié dans la dernière session près d’un million de recettes annuelles en droits d’excise et de timbre. Tout cela n’empêche pas que le dernier trimestre de 1850 ne soit à peu près équivalent au trimestre correspondant de l’année dernière. La diminution porte en particulier sur les douanes, mais ce qu’il y a de certain, c’est que le revenu de la douane ne perd pas en proportion des branches qu’on lui a retranchées, et cette perte est compensée par l’élévation de l’excise, qui gagne 250,146 livres sur l’année dernière. Or la diminution des droits de douane ne prouve qu’une chose, c’est que les classes laborieuses peuvent maintenant se procurer à bon marché le pain, le sucre, le café, tous les objets de nécessité première, et même une sorte d’alimentation de luxe. Ce que prouve au contraire l’élévation des droits d’excise, c’est le progrès de la consommation et par conséquent du nombre même des consommateurs. Des protectionnistes avaient prédit la banqueroute du trésor et l’appauvrissement du pays comme un inévitable châtiment de la liberté qu’on rendait aux échanges. Au lieu de cette sinistre perspective, on a un excédant dans le trésor, en même temps que l’abondance et les bas prix sur le marché, Il en est désormais des réformes commerciales que l’Angleterre doit à Robert Peel comme des mesures d’émancipation que les catholiques ont obtenues depuis trente ans ; on ne peut pas plus revenir sur les unes que