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historique, que Froissart a raconté le siége de Roc-Amadour par les Anglais, et que, dans la Croisade contre les Albigeois, publiée par M. Fauriel, je trouve dans un vers la preuve que ces lieux saints étaient alors en la possession d’un abbé :

E fo il senher abas cui Rocamadour es ?

J’ai hâte d’arriver aux miracles qui font de Roc-Amadour un lieu tout-à-fait exceptionnel et au pèlerinage qui a successivement attiré Roland, neveu de Charlemagne ; Henri II, roi d’Angleterre ; Simon, comte de Montfort ; le légat du pape, Arnaud Amalric ; saint Louis, roi de France ; la reine Blanche ; Alphonse III, roi de Portugal ; Charles-le-Bel, Louis XI, beaucoup d’autres encore, et qui attire tous les ans, malgré l’incrédulité croissante, une foule innombrable de pèlerins. S’il faut s’en rapporter à M. Caillau, dont le livre ne laisse rien à désirer sur ce point, les miracles opérés par Notre-Dame de Roc-Amadour justifient très bien l’empressement des fidèles et expliquent à merveille les donations faites, à diverses époques, à la chapelle en question. On a dressé une longue nomenclature de ces miracles. Je ne la transcrirai point ici, elle serait trop dépaysée en cet écrit profane. Il suffira de savoir que, par la protection de Notre-Dame de Roc-Amadour, des marins par milliers ont été sauvés du naufrage, des victoires éclatantes remportées sur les infidèles, des vieillards préservés de chutes dangereuses. Grace à elle, des enfans de trois ans ont pu, sans inconvénient, tomber de trente pieds de haut sur le pavé ; des plaideurs, M. de Conflans par exemple, ont vu tourner à bien, malgré les gens de loi, les plus détestables procès. Quant aux malades rendus à la santé par cette sainte entremise, la liste en est innombrable. On y voit, ainsi que dans certaines statistiques médicales, la guérison d’une infinité de jeunes filles, de petits garçons, de capitaines, d’écuyers et de magistrats. Enfin, des morts ont été ressuscités par Notre-Dame de Roc-Amadour, témoin le fils de Marguerite Amoros en 1551, et, le siècle suivant, la fille d’Antoine de Guillaume, natif du Vigan en Quercy, laquelle avait été étouffée, ainsi que cela est constaté, par un noyau de prune. L’abbé Caillau assure même qu’un châtiment a été exercé par la sainte contre un riche bourgeois qui, ayant prêté aux moines de Roc-Amadour une somme d’argent en prenant pour gage les rideaux de la sainte chapelle, eut l’impiété, faute de remboursement, de garder les rideaux. Le bourgeois, sa femme et son fils furent aussitôt frappés et moururent en rendant des flots de sang par les narines. Bref, saint Janvier à Naples et sainte Rosalie à Palerme n’ont pas fait assurément plus de prodiges. Je ne nomme pas sans raison ces deux saints si chers aux lazzaroni : la dévotion ardente et bizarre qu’ils excitent, les cérémonies étranges qu’on accomplit en leur