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premières victoires de la royauté d’Isabelle II. Une seconde fois, dans un mouvement malheureux qui éclata à Séville en 1838 et où il prit part, Cordova vint échouer devant la prépondérance naissante d’Espartero, qui non-seulement avait été pour lui un rival militaire, mais dans lequel il pressentait dès-lors le représentant armé de la révolution. Le temps et la vie lui ont manqué pour se relever de cette humiliante défaite. Il est hors de doute pour tout Espagnol que, si Cordova eût vécu, il serait aujourd’hui au premier rang.

Ce ne sont point les circonstances qui ont fait défaut à Espartero ; ce n’est point la bravoure militaire non plus. Ce qui lui a manqué, c’est bien plutôt l’intelligence politique, aussi bien dans les moyens qu’il a mis en usage pour arriver à la régence que dans sa manière de l’exercer. — Qu’en est-il résulté ? Moins de trois ans d’un pouvoir douteux, contesté, qui a fini par soulever contre lui la Péninsule tout entière. Moins de trois ans après les scènes de Barcelone, de Valence et de Madrid en 1840, le duc de la Victoire quittait l’Espagne en fugitif, sur un bateau de pêcheur, pour gagner un navire anglais, et ce n’est pas le trait le moins curieux que ce soit un de ses rivaux, le général Narvaez, qui ait pu le recevoir de nouveau dans l’Espagne pacifiée.

Par un bonheur singulier, il a été donné à Narvaez de réunir dans une mesure suffisante les conditions qui ne se trouvaient complètement remplies chez aucun de ses rivaux. Représentant du parti conservateur comme Cordova, il a eu de plus que lui en sa faveur les circonstances qui se sont offertes en 1843, et il n’était point homme à les laisser fuir ; énergique soldat, il a eu de plus qu’Espartero l’intelligence politique. Qu’on observe le caractère divers de ces hommes, les circonstances heureuses ou défavorables où ils se sont trouvés placés, le mouvement de leurs antagonismes, et on s’expliquera comment, Cordova étant mort, Espartero est à Logroño, honoré sans doute pour ses vieux services, mais à peu près sans influence, tandis que Narvaez, aujourd’hui aussi bien qu’hier, hors du pouvoir comme au pouvoir, conserve une immense autorité politique. Il est bien visible qu’en quittant récemment la présidence du conseil, le duc de Valence n’a point cessé d’être pour l’Espagne un de ces hommes dont il est toujours plus facile de médire que de se passer.


I

Le général don Ramon-Maria Narvaez a cinquante ans maintenant. Il est né le 5 août 1800 à Loja, au cœur de l’Andalousie. C’est un véritable Andaloux, petit, d’un tempérament puissant, le front haut, l’œil saillant et prompt à s’enflammer, joignant d’ailleurs à une fougue indomptable de caractère l’habileté qui sait quel usage il faut faire de