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Puis, pour se consoler avec une épigramme,
Il peignit sur le stuc le fils de Clinias,
Laid, avec le col tors et des hanches de femme.
En l’appelant de noms que je ne dirai pas.

À cette heure sereine où la lampe nocturne,
Faute d’huile, pâlit dans l’ombre du boudoir.
Où des songes ailés la troupe taciturne
S’abat en souriant sur la terre, — il crut voir
S’avancer à pas lents une femme splendide ;
Ses cheveux dénoués pendaient en longs réseaux,
Moins belle était Vénus, quand de son front humide
Elle fendit un jour le pur cristal des eaux ;
Les plis harmonieux de sa robe persane
Enveloppaient son corps sans voiler sa beauté,
Sa gorge soulevait le tissu diaphane
Dans l’éclat merveilleux de sa virginité ;
Il la vit s’avancer jusqu’au bord de sa couche
En chantant à voix basse une molle chanson ;
De sa lèvre embaumée elle effleura sa bouche…
L’artiste s’éveilla sous un vague frisson.
Elle était là, — vivante ! aussi jeune ! aussi belle !
Il dit un mot d’amour ; mais au son de sa voix
La farouche s’enfuit, pareille à la gazelle
Quand elle entend frémir la feuille dans les bois.

O femmes, nos amours ! reines de la nature !
Devant votre beauté l’homme s’est prosterné,
Et dans les blonds anneaux de votre chevelure
Vous tenez à vos pieds l’univers enchaîné.
Adieu les noirs soucis et la pâle colère…
Jusqu’au jour Agatharque oublia de haïr.
Il rêve, il voit encor cette forme légère
Dont il voudrait fixer au moins le souvenir ;
Il saisit ses pinceaux d’une main incertaine,
Il hésite d’abord, interrogeant son cœur,
Mais bientôt le dieu parle, et l’image lointaine
Reparaît par degrés sous son pinceau vainqueur.

Tout à coup il s’arrête, et jetant, sa palette :
« C’est moi, riche insolent, qui prétends te braver ;
Tu n’ajouteras rien à cette œuvre incomplète,
Car moi seul suis assez riche pour l’achever. »
Pourtant la jeune ébauche envoyait à l’artiste