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est un maître dans toute la force du mot, c’est-à-dire un homme dont on étudie les œuvres et dont on respecte la parole. En France, le nom du graveur de l’Entrée de Henri IV est depuis long-temps familier à quiconque s’intéresse aux arts, et ce n’est pas seulement à son habile interprétation du tableau de Gérard que M. Toschi doit la réputation dont il jouit parmi nous ; ses autres travaux l’y ont préparée ou affermie, et la publication récente de la Madone à l’écuelle ne peut assurément que l’accroître. Cette belle planche d’après Corrège prouve que, loin de décliner, le talent du graveur grandit et se perfectionne ; elle est un gage certain de succès pour l’immense entreprise que poursuit, depuis quelques années, M. Toschi, aidé de ses élèves ; le burin qui a rendu avec ce charme d’effet et cette largeur de style la Madone de Corrège, ne peut manquer de reproduire aussi heureusement, d’après le même maître, les vastes fresques de la cathédrale de Parme.

MM. Mercurj et Calamatta méritent d’être comptés avec M. Toschi parmi les graveurs les plus distingués de l’époque. Tous deux ont longtemps séjourné en France, et, par le choix même de leurs modèles et le caractère de leurs travaux, ils appartiendraient à notre école, s’ils n’avaient, eux aussi, contribué à faire revivre la vraie tradition italienne. On se rappelle la vogue qu’obtint dès son apparition la petite estampe des Moissonneurs. Jusque-là M. Mercurj ne s’était fait connaître que par les figures gavées qui accompagnent le texte de l’ouvrage de Bonnard sur les costumes italiens du moyen-âge et de la renaissance ; sans doute il ne s’attendait pas lui-même à sa célébrité prochaine, lorsqu’il fut chargé de reproduire le beau tableau de Robert pour un journal qui publiait une série d’articles sur le Salon de 1831. M. Mercurj ne songeait d’abord à donner qu’un aperçu de la composition et de l’effet général : peu à peu il prit goût à son travail, le poussa au-delà du but qu’il s’était proposé en commençant, et finit par arriver à une imitation complète de l’original. La mise au jour de cette charmante pièce fit dans le public une sensation profonde. En quelques jours, les premières épreuves s’élevèrent à un prix plus que décuple du prix de souscription, et elles n’ont cessé depuis lors d’être recherchées avec un extrême empressement. Le caractère fidèlement conservé des types, la légèreté du burin, font de la planche des Moissonneurs un ouvrage achevé, l’un de ceux qui résument le mieux les tendances et à certains égards les progrès de la gravure moderne. M. Mercurj vit sa réputation se consolider peu après par le brillant succès de la Sainte Amélie d’après M. Delaroche. Ce n’est pas cependant que les deux estampes présentent une égale somme de mérite : la première se recommande par une finesse exquise, exprimant les détails sans altérer l’unité de l’ensemble ; la seconde est traitée, dans les moindres accessoires, avec un excès de soin qui dégénère parfois en curiosité minutieuse.