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l’a dit M. d’Azeglio, ne doit point se séparer de l’Europe occidentale, à laquelle il est si intimement uni. » C’est pour cela qu’il se rattache à la France, c’est pour avoir son contre-poids et son point d’appui vis-à-vis de l’Europe orientale. M. d’Azeglio a voulu donner aussi la sanction de son témoignage aux droits de la propriété littéraire ; il a revendiqué comme un honneur pour son gouvernement le soin de servir cette cause, qu’il appelle la cause « d’une belle et généreuse idée, destinée à faire faire au monde de véritables progrès. »

Malgré la violente amertume avec laquelle on incrimine ses intentions et l’on exagère ses tendances, le ministère piémontais garde dignement la position qu’il a voulu prendre. Il se tient à bonne distance du parti rétrograde et du parti radical : investi de la confiance du jeune roi, il s’est concilié dans les chambres une majorité qui ne le dispense point des luttes parlementaires ; mais il lutte sans s’affaiblir. C’est un spectacle intéressant que ce continuel effort de M. d’Azeglio et de ses collègues pour donner à l’esprit, aux besoins du siècle la juste satisfaction qu’ils demandent, et ne point tomber cependant en proie aux exigences du radicalisme. Ainsi, tandis que dernièrement, ils frappaient d’un impôt les biens de main-morte, toujours trop improductifs pour le peuple et pour l’état, ils se refusaient énergiquement à souscrire aux injonctions de M. Brofferio, qui leur demandait la confiscation sommaire des biens du clergé. M. de Cavour, en termes des plus remarquables, posait nettement les bornes dans lesquelles il entendait renfermer l’action de l’état vis-à-vis de l’église. Il ne voulait, disait-il, ni d’un clergé usurpateur, ni d’un clergé de fonctionnaires, et, quant aux domaines ecclésiastiques, il ne s’agissait pas, au gré du gouvernement, de s’en emparer, pour substituer des prêtres salariés à des prêtres propriétaires ; il s’agissait uniquement d’obtenir une meilleure répartition des revenus du clergé, de corriger les inégalités choquantes qu’il y avait suivant les lieux dans la position des ministres du culte. Quand cet honnête et juste langage aura-t-il apaisé les pieuses colères déchaînées contre le cabinet de M. d’Azeglio ?

Le ministère hollandais se trouve dans une situation assez analogue à celle du cabinet de Turin ; c’est d’ailleurs la loi commune de l’Europe par le temps qui court. Il est aux prises avec les opinions extrêmes, et il doit résister aux entraînemens excessifs de l’esprit d’innovation, pour mieux vaincre l’immobilité des stationnaires. Les réformes qu’il a fait prévaloir l’année dernière lui ont assuré de l’avenir ; mais la question des impôts reste toujours pendante, ce sera la grande affaire de cette session : il n’y a plus d’économies qu’on puisse encore opérer sur le budget ; il ne reste plus qu’à creuser pour ainsi dire l’impôt. L’administration des Indes néerlandaises vient encore d’être modifiée par la mort imprévue de M. Bruce, récemment nommé gouverneur-général ; M. Bruce a pour successeur M. Duysmaer van Twist, président de la seconde chambre, de qui nous citions dernièrement une allocution d’un si grand sens. Comme M. Bruce, M. van Twist est de la province d’Over-Yssel ; il appartient à la même nuance politique ; c’est un libéral modéré qui s’est fait distinguer dans le parlement, où il siège depuis 1843, par ses connaissances pratiques et financières. Il n’a jamais eu cependant de rapports quelconques avec les affaires des Indes mais en l’état où sont les colonies néerlandaises, lorsqu’il est devenu d’une absolue nécessité d’examiner toutes les questions qui les concernent avec le