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IV. – DEVELOPPEMENT DES DOCTRINES COSMOGONIQUES ET GEOGRAPHIQUES CHEZ LES ARABES AVANT ABOULFEDA.

Nous avons vu qu’à l’époque où parut Mahomet et même antérieurement, les Arabes possédaient un système cosmogonique qui s’était formé d’un mélange d’idées nées sur leur propre sol et d’autres qu’ils avaient empruntées aux nations avec lesquelles ils furent en contact. Dans ce syncrétisme figurent d’abord les traditions bibliques et rabbiniques, dont l’introduction parmi eux s’explique par une identité de race et une communauté primitive de langage. Les doctrines grecques leur vinrent par le voisinage des états qu’avaient fondés les successeurs d’Alexandre en Syrie, dans la Mésopotamie et en Égypte, et elles continuèrent à se propager parmi eux ; lorsque les Romains occupèrent ces diverses contrées, et envahirent un instant l’Arabie Pétrée. Le royaume de Perse, sous les monarques parthes et sassanides, comprenait dans ses limites, du moins à titre de suzeraineté, les pays situés vers l’embouchure du Tigre et de l’Euphrate. Quelques princes sassanides étendirent même leur domination sur la côte occidentale du golfe Persique et sur une partie de l’Arabie Heureuse. Il exista presque continuellement des relations scientifiques et commerciales entre l’Arabie et la Perse d’une part, et la péninsule indienne de l’autre, soit par mer, soit par la voie du continent. Sous les Sassanides, il y eut plusieurs fois échange d’ambassades entre ces princes et les souverains arabes. L’école de médecine fondée par les rois de Perse à Djondy-Sapour, dans la Susiane, admettait à la fois les doctrines grecques, représentées dans cette école par les chrétiens nestoriens venus des provinces de l’empire romain et chargés en grande partie de l’enseignement, et les doctrines indiennes, qui accordaient une large place à l’influence des astres et à la magie. Les Arabes qui cherchaient à s’instruire, se rendaient les’ uns.à cette école, les autres à celles des Grecs ; ils avaient aussi chez eux, comme nous l’avons vu, un centre d’études médicales à Sana ville de l’Yémen.

Une partie des anciennes idées cosmogoniques des Arabes a été consacrée par l’autorité de Mahomet. Ces idées se sont perpétuées d’âge en âge, et constituent encore à présent le fond de leurs croyances populaires ; mais ces croyances restèrent en dehors du domaine de la science, lorsque, vers la fin du VIIe siècle, les Arabes entreprirent de l’appuyer sur des principes rationnels. Leurs géographes reconnurent la sphéricité de la terre à laquelle ils donnèrent le nom de boule, et Aboulféda se sert, pour en donner la démonstration, des mêmes argumens que nous employons aujourd’hui. Les astronomes de Bagdad, pans le khalifat d’Almamoun, adoptèrent pour la plupart le système de Ptolémée qui fait de le terre le centre de l’univers et le point autour duquel se meuvent les sept planètes.

La sphère armillaire, à peu près semblable à la nôtre, fut aussi un emprunt fait au géographe d’Alexandrie. Elle composait de six cercles, qui reproduisent les mouvemens célestes, et dont les noms arabes ne sont autre chose que la traduction des dénominations grecques. Ces cercles sont le méridien, l’équateur, l’écliptique, les deux tropiques et l’horizon. Les Arabes prirent également aux Grecs le tenue de pôle ou pivot, pour désigner les deux extrémités d’un axe ou essieu autour duquel les planètes accomplissent leur révolution