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dans l’évaluation des distances terrestres déterminées par les Grecs. Ptolémée avait admis en principe que la portion habitée de la terre forme le quart du globe, et que ce quart avait à peu près en longueur le double de sa largeur, c’est-à-dire 180 degrés de longitude et 90 de latitude. Il subordonna toutes ses données positives à cette opinion purement systématique. Un géographe antérieur, Marin de Tyr, avait assigné à la longueur de la terre 225 degrés ; Ptolémée déploya toutes les ressources de son esprit pour prouver qu’il y avait à retrancher de ce nombre 45 degrés.

Or, au temps de ce dernier, on était loin de connaître les limites de la terre dans le sens de sa longitude et de sa latitude. Pour arriver à une longueur de 180 degrés, Ptolémée fut obligé d’étendre outre mesure le bassin de la Méditerranée à l’ouest, et les contrées de la Perse et de l’Inde à l’est. La Méditerranée reçut 60 degrés en longueur ou cinq cents lieues de plus qu’elle n’a réellement, quoique à cette époque elle fût sillonnée dans tous les sens par les navires grecs et romains. L’erreur qui atteignait les régions orientales fut encore plus forte. Même après les retranchemens faits aux nombres de Marin de Tyr les bouches du Gange furent reculées vers l’est plus de 46 degrés au-delà de leur véritable position, ce qui faisait une erreur de près de douze cents lieues.

Le nombre de 180 degrés attribué par Ptolémée à la longueur de la terre habitée était devenu, pour ainsi dire, un dogme dont il n’était pas permis de s’écarter. Les Arabes ayant découvert de vastes contrées au-delà des limites orientales reconnues par l’astronome alexandrin, ils furent obligés, pour les faire entrer dans cet espace tout de convention, de resserrer les régions intermédiaires, telles que la Perse et l’Inde. Quelques géographes y comprirent même les îles Syla ou le Japon, considérées comme la borne du monde à l’orient.

Dans le travail de réforme opéré pour les contrées occidentales, Ibn-Younis se borna à resserrer les longitudes de Ptolémée. L’astronome Aboul-Hassan de Maroc rectifia le tracé de la Méditerranée ; il réduisit les 60 degrés de Ptolémée à 44. On voit qu’il était déjà bien près de la vérité puisque aujourd’hui, après les travaux du P. Riccioli, de Guillaume Delisle et de d’Anville, l’on compte 40 degrés pour cette mer : En l’absence de toute nation positive sur les contrées qui pouvaient exister par-delà l’Océan Atlantique, on fut amené à dire que les Iles Fortunées, reléguées par Ptolémée à l’extrémité occidentale du monde, n’étaient qu’une limite fictive, et que les véritables bornes de la terre devaient être portées à 10, 15 ou 20 degrés au-delà, suivant l’espace que les nouvelles découvertes laisseraient libre.

Après avoir exposé le mouvement des doctrines astronomiques et géographiques chez les Arabes, il ne nous reste plus qu’à parler du livre même d’Aboulféda et du travail dont il a fourni l’occasion à M. Reinaud.


V. – LA GEOGRAPHIE D’ABOULFEDA.

Le traité d’Aboulféda, le Takwym-Alboldan ou Position des pays, est dans sa forme une imitation à la Géographie de Ptolémée, moins les cartes, qu’un ingénieur d’Alexandrie, Agathodémon, avait jointes à l’ouvrage de l’astronome grec. Il s’ouvre par un aperçu de la constitution physique du globe, de la place qu’il occupe au centre de la sphère céleste et de sa division en sept