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n’avait point reçu de ravitaillement. Un jour, on publia à Vittoria l’importante nouvelle de la destruction complète des insurgés, dont les misérables restes s’étaient, après leur déroute, dispersés dans les montagnes. Zumalacarregui apprit aussitôt ce bruit par ses espions : toute une population était complice de cet espionnage. Le lendemain, il faisait irruption sur Vittoria étonnée et confondue ; peu s’en fallut même qu’il ne s’en rendît maître. Vittoria dut son salut à un petit clairon : les volontaires, entendant une fanfare hostile, craignirent d’être enveloppés et s’enfuirent ; mais l’effet était obtenu. Il fallut bien se remettre à la poursuite de cet ennemi qu’on disait détruit. Alors Zumalacarregui, attirant les christinos sur la trace d’un de ses détachemens, se portait avec le reste de ses troupes sur un point éloigné pour y faire un coup de main ou bien il surprenait les derrières de l’ennemi par une contre marche rapide. Un combat s’ensuivait. Les christinos conservaient le champ de bataille et dataient de leur bivouac leur bulletin de victoire, mais Zumalacarregui leur emportait en fuyant quelques fusils et quelques paquets de cartouches dont il avait besoin ; le lendemain il se faisait encore battre plus loin, mais toujours à leurs dépens.

D’ailleurs, le chef carliste n’aurait pu tirer aucun parti d’une victoire complète dans la pénurie de ressources où il était. Aussi mit il tout son génie militaire à choisir si bien le lieu du combat, qu’il pût toujours retirer ses troupes sans encombre, une fois les bénéfices du combat obtenus. Ses dispositions étaient toujours si bien prises, que tout le servait, même le hasard, que tout lui profitait, même la défaite. Lorsqu’il prit le commandement des bandes fugitives de Logroño, tout était à organiser, tout était à créer, hommes et ressources. Il prit tout sur lui ; mais il voulut savoir du premier coup s’il pouvait compter sur ses troupes. C’est pourquoi il leur tint le rude et terrible discours que nous avons cité. L’argent, ce nerf de la guerre, manquait absolument ; par conséquent, le nouveau chef ne pouvait rien tirer de l’étranger, ni les munitions, ni les vivres, ni l’équipement dont ses soldats improvisés étaient dépourvus, et que la province était trop pauvre pour leur fournir. Il fallut tout prendre sur l’ennemi, comme il l’avait dit. Pour cela, le hardi partisan ne pouvait compter sur des recrues, sans discipline pour résister, sans armes pour attaquer, et qu’il fallait peu à peu habituer au feu, afin de les aguerrir sans les rebuter. Il appela donc à lui d’abord les vieux contrebandiers et douaniers (aduaneros) que la guerre allait laisser sans ouvrage ; il les distribua par partidas de douze et quinze hommes autour des villages occupés par les christinos, avec ordre d’enlever les soldats égarés, de tirailler sur les flancs des colonnes ennemies en se cachant derrière des rochers inaccessibles et surtout d’empêcher les maraîchers d’apporter aucun approvisionnement