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Bilbao, Vittoria, en s’emparant de toutes leurs garnisons de campagne, et en battant lui-même ou par ses lieutenant quatre de leurs généraux, Valdés à Artaza, Oraa à Belate, Iriarte en Biscaye, Espartero en Guipuzcoa. Par suite de la convention Elliot, passée deux mois auparavant, le chef carliste renvoyait deux mille cinq cents prisonniers aux christinos, qui n’en eurent pas un seul à lui remettre en échange.

Le général carliste se trouva cependant plus embarrassé après le succès qu’il ne l’avait été pendant la lutte. La victoire elle-même le mettait en demeure de la suivre, et elle le laissait sans moyens d’action, enchaîné à sa place. Ses soldats réclamaient leur paie, et il manquait d’argent. On lui demandait de s’emparer des places de guerre, et il n’avait pas d’artillerie de siége. On lui demandait de diriger sur Madrid son armée victorieuse ; il s’en chargea, mais à la condition qu’on lui fournirait quatre cent mille cartouches et 500,000 francs. Au moment prescrit, il ne trouva ni les cartouches ni la somme. En désespoir de cause, lui si prévoyant, et qui n’entreprenait jamais une chose dont il ne fût sûr de venir à bout, il commença le siège de Bilbao, sachant très bien qu’il ne pourrait s’en emparer que par un miracle. Il espéra ce miracle, car il avait besoin de la rançon de l’opulente Bilbao pour pouvoir arriver à Madrid, ou plutôt il espéra que Valdès tenterait de dégager Bilbao, et qu’alors une dernière victoire sur le dernier corps d’armée de la reine le tirerait d’embarras ; mais Valdès ne vint pas au secours de Bilbao : il se fortifiait au contraire sur la ligne de l’Èbre, et faisait mettre Burgos en état de défense, tant il était persuadé que Zumalacarregui se porterait sur Madrid. Tout le monde le croyait comme lui, et, dans cette croyance, le gouvernement espagnol avait réclamé d’urgence, sur l’avis de Valdès, l’intervention de France et de l’Angleterre. Qui savait alors que Zumalacarregui, tout puissant et vainqueur, était retenu devant Bilbao, faute de 500,000 francs dans sa caisse militaire ? Oui, Madrid était le rêve de ce conquérant improvisé : depuis tantôt un an, il faisait reluire cette conquête devant les yeux de ses soldats sans chaussure et sans abri, il en avait d’avance préparé toutes les étapes, il avait même défendu au curé Mérino, sous peine de la vie, de venir le rejoindre en Navarre, pour que le curé Merino, en continuant à escarmoucher par-delà l’Ebre, lui tînt libre la route de la Vieille-Castille.jusqu’à la capitale. Malheureusement, entre cette route et ses soldats, le chef carliste rencontrait d’autres obstacles que les troupes christines. Triste, abattu depuis son triomphe, lui que la confiance et l’espoir n’abandonnèrent jamais dans la lutte, il disait à ses intimes : « Je mourrai trop tard. » Ne voyait-il pas la meute des courtisans se presser autour du prétendant et se disputer d’avance le prix de la conquête, eux qui ne pouvaient même lui fournir 500,000 fr. pour l’aider à la terminer ? N’avait il pas déjà envoyé sa démission à