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don Carlos pour témoigner du mépris et du dégoût que lui inspiraient ces petites intrigues de l’ambition impuissante et jalouse ? Une victoire de plus, et peut-être quelque inepte chambellan serait-il venu lui dicter des ordres au nom de son maître, à lui aurait fait son maître roi !

Pendant que le général carliste était à diriger les opérations du siège de Bilbao, une balle perdue vint l’atteindre au genou sur le balcon où il se trouvait : c’était le 15 juin. Il se fit transporter à Cegama ; mais, soit que les chaleurs excessives de la saison et les fatigues eussent envenimé la blessure, soit que l’extraction de la balle eût été faite mal à propos, Zumalacarregui succomba à ses souffrances le 24 juin 1835, après une campagne de dix-neuf mois. Il avait quarante-six ans. Un deuil immense couvrit les provinces insurgées à la nouvelle de sa mort : l’ame de cette guerre s’était envolée. Son agonie fut, comme celle de Bavoust, un rêve militaire : dans son délire, il commandait une bataille.

Il y a dans l’atmosphère des combats une sorte de fluide lumineux qui grandit les proportions des hommes qui s’y meuvent. C’est dans ce fluide lumineux qu’on aime à voir Zumalacarregui ; nous avons à dessein laissé dans l’ombre l’homme politique, fort discutable, pour ne montrer que l’homme de guerre, digne d’admiration. Nous l’avons suivi pas à pas dans une longue campagne où chaque jour amenait sa lutte, et chaque nuit sa surprise. Cette campagne, il la commença sans argent., sans matériel et sans soldats, se procurant tout ce qui lui manquait, maravedi par maravedi, cartouche par cartouche, homme par homme ; disputant partout le terrain à des ennemis qui se multipliaient sans cesse autour de lui, traqué sans cesse autour de lui, traqué sans cesse, luttant : toujours et jamais pris en défaut ; faisant tout, même le métier de fourrier à la gamelle ; surveillant tout, même le sommeil du soldat ; écoutant tout, même le rapport d’un enfant ; tirant parti de tout, même de la défaite. Zumalacarreggui avait toutes les qualités du commandement : l’esprit d’organisation et de tactique, la promptitude de résolution, la rapidité des mouvemens et cette confiance en soi que tout danger séduit parce qu’il est une espérance de victoire. Comme tous les généraux qui sont parvenus à s’identifier avec leur armée ; il avait reçu de ses soldats un surnom familier : l’oncle Thomas ; mais tel était le prestige acquis à ce surnom, qu’il suffisait de dire dans un village occupé par les soldats de la reine : L’oncle Thomas arrive ! pour que toute la population criât aussitôt : Meurent les christinos ! même devant les baïonnettes de la garnison ennemie.

Très exigeant envers ses soldats il ne leur demandait jamais plus qu’il n’exigeait de lui-même. C’est ainsi qu’il obtint d’eux ces marches