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un convoi dont il avait résolu de s’emparer : cette brigade venait de repousser l’attaque d’un bataillon carliste tout entier. Ce qu’il y a de plus extraordinaire dans cette extravagance de courage, c’est le succès qui en fut sa récompense. Avec ses six lanciers, Zumalacarregui mit le désordre au sein de cette brigade, et s’empara du convoi au moment même où l’ennemi allait atteindre. Logroño. Du reste, ces traits d’audace chevaleresque, sont communs en Espagne.

Il a manqué à la gloire militaire de Zumalacarregui d’avoir à combattre un rival digne de lui et sur une plus vaste scène : ce qui témoigne en faveur de son mérite c’est qu’il créa non-seulement des soldats, mais aussi des lieutenans qu’il sut animer de son esprit, Eraso et Villaréal qui allaient lui succéder dans le commandement, Gomez, qui devait faire cette fameuse pointe à travers l’Espagne qui amusa l’Europe comme un carrousel bien conduit, et tant d’autres officiers que la mort avait pris ou allait prendre. Après lui, il resta peu de chose de son génie dans cette armée qui était son œuvre, et qui dura tout juste assez de temps pour oublier ce que son chef lui avait appris. Cet homme ferait des soldats avec des troncs d’arbre, » disait Mina après avoir lutté contre Zumalacarregui ; et lorsqu’il apprit la mort de son glorieux rival, il ajouta. : « Je pourrais me réjouir de cette mort, comme citoyen ; mais, comme Espagnol, je m’en afflige : l’Espagne vient de perdre un grand homme. »

Après Zumalacarregui, l’armée carliste eut à souffrir de la même cause de désordre qui avait pesé sur ses adversaires : elle changea de chefs presque aussi souvent que l’armée constitutionnelle. La durée du commandement se mesurait à la première bataille perdue. C’est ainsi que Moréno, après la défaite d’Arlaban, était remplacé par le vieux Casa-Eguia ; c’est ainsi que Villaréal le présomptueux et brillant lieutenant de Zumalacarregui, était obligé de céder la place à l’infant don Sébastien, neveu du prétendant, après avoir été battu en ligne à Valcarlos ave des forces de beaucoup supérieures par notre ancienne légion étrangère que nous venions de céder à l’Espagne. Cette brave légion a laissé d’éclatans souvenirs dans la Péninsule. Préparée par la nerre d’Afrique aux combats de la Navarre, elle eut affaire principalement contre le fameux bataillon des Guides, alors commandé par un Français, M. Sabatier de Bordeaux, à Zubiri, à Arlaban, à Huesca, à Barbastro, où mourut l’intrépide colonel de la légion, Conrad. Ce fut comme un duel à mort entre ces deux corps, où tous deux s’épuisèrent en effet, et furent presque entièrement détruits l’un par l’autre.

Au point où Zumalacarregui avait amené cette guerre, les chefs qui lui succédèrent crurent pouvoir prendre l’offensive ; mais aucun ne sut donner l’impulsion aux insurgés. C’est alors que l’on comprit combien