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C’est pour cela qu’il importe de ne pas séparer la question de valeur de celle de volume, — l’échange, du fret ; c’est pour cela aussi qu’il est indispensable de songer avant tout au retour, de s’assurer de la possibilité de traiter des cargaisons de produits encombrans, non pas seulement dans les escales placées sur la route, à Manille, à Singapore, à Batavia, mais surtout au but du voyage, à Canton, à Amoy et à Shanghai. On ne fondera jamais un commerce vivace et durable en se bornant à quelques envois d’étoffes, de vins et d’articles de luxe pour les résidens européens des colonies asiatiques, et à l’achat de petits lots de drogueries, d’épices et de curiosités ; ce sont des affaires de pacotillage, et non de grand commerce. Nous avons à porter en Chine et dans l’archipel indien des draps, des tissus de laine, des vins, etc. ; le fret d’aller sera à peu près suffisant, mais au retour il faudrait pouvoir charger les sucres du Fokien et de la Cochinchine, les tabacs en feuilles du Tché-kiang et du Kwang-tong, les cires d’arbre du See-tchuen, les gambiers de Rhio et de Singapore, auxquels on joindrait naturellement le thé, la soie grège, la cannelle, le camphre, le café, l’indigo, le poivre, etc. qui forment la base des opérations actuelles. À ces conditions, les relations avec la Chine et la Malaisie seront praticables, et le fret sera réduit à un taux modéré. »

Ainsi, d’une part, nous naviguons trop chèrement ; d’autre part, l’importation en France de la plupart des produits asiatiques se trouve limitée par la rigueur de nos tarifs de douanes ; en outre, et c’est là le point le plus essentiel, le nombre des marchandises que nous serions en mesure d’échanger avec la Chine est assez restreint.

La cherté de notre navigation paralyse non-seulement dans les mers de l’Inde et de la Chine, mais encore partout où nous rencontrons une concurrence, le développement de notre intercourse. C’est un mal général résultant des taxes qui pèsent encore sur les matières premières employées dans les constructions, des formalités et des entraves qu’une législation trop timide a cru devoir imposer aux armemens dans l’intérêt de l’inscription maritime. Le gouvernement a annoncé qu’une enquête serait ouverte pour réviser les lois et les règlemens en vigueur. Cette réforme, pourvu qu’elle soit sérieuse, profitera à l’ensemble de notre matériel naval, et nous rendra plus facile dans les mers lointaines la concurrence avec les autres pavillons. Cependant il serait nécessaire que des réductions de droits, largement combinées, vinssent en même temps favoriser l’importation des produits de la Chine, et notamment du sucre, qui peut fournir d’excellens frets. Le tarif français admet en principe que les provenances des pays situés au-delà des caps Horn et de Bonne Espérance doivent être dégrevées en raison des frais supplémentaires que la distance ajoute au prix vénal de la marchandise. Il conviendrait donc de régler l’application de ce principe, qui est généralement accepté, de telle sorte que les produits exportés des mers de Chine puissent réellement arriver dans nos ports à des conditions avantageuses pour l’armateur. C’est un calcul à faire, et, puisque le tarif des sucres en ce moment à l’étude il semble que l’occasion serait favorable. Un remaniement, conçu dans la même pensée pourrait être étendu aux tabacs et aux principaux articles de provenance chinoise.

Il y aurait également profit pour nous à reparaître dans la baie de Tourane, non plus pour y couler les innocentes jonques de l’empereur d’Anam et effrayer