Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/759

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

REVUE LITTERAIRE


DE L'ALLEMAGNE.




LA CRITIQUE; - LES ROMANS ET LES POESIES. - LA LITTERATURE MAGYARE.




Il est impossible de ne pas être frappé des rapports que la littérature allemande présente avec la nôtre. Le temps n’est plus de ces inspirations originales, de ces singularités d’imagination et d’accent qui donnait un caractère propre aux œuvres d’une même contrée. On va trop vite désormais de Vienne à Berlin et de Berlin à Paris pour que les anciennes distinctions ne s’altèrent pas. Quand toutes les barrières s’abaissent, quand il est si facile de donner ou d’emprunter à ses voisins, comment ne verrait-on pas disparaître peu à peu les physionomies individuelles ? Aujourd’hui plus que jamais, un même esprit se répand en un instant d’une zone à l’autre, et, bon gré mal gré, associe les peuples les plus divisés naguère dans une sorte d’existence commune. C’est peine perdue de s’enfermer chez soi ; les horizons les plus bornés s’entr’ouvrent pour laisser entrevoir des perspectives profondes, la plus mince question devient aisément une question européenne. Ce mouvement d’assimilation existe depuis long-temps, et il a été préparé par bien des influences diverses ; il est facile de comprendre toutefois que les révolutions démagogiques de 1848 n’aient pas médiocrement contribué à resserrer les liens de l’Europe, et, par suite, à accélérer l’effacement des littératures originales. Jamais on n’avait vu, comme depuis trois ans, l’Europe entière occupée d’un seul intérêt, passionnée pour une seule et même cause. Dès le 24 février, ou plutôt dès que les périls suprêmes eurent dissipé d’incroyables illusions, après les premières et décisives répressions de l’armée du mal, après le bombardement de Prague, après les journées de juin, les nations de l’Europe centrale, occupées jusque-là de suivre