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religion de ses pères et surtout de ses prédécesseurs, comme religion d’état, symbole de la foi monarchique et traditionnelle, peut-être aussi s’estimant plus grand seigneur que Henri VIII et ne voulant pas se faire son piste, François Ier s’était toujours maintenu entre l’influence de sa sueur, qui penchait vers la réforme, et l’ascendant de sa mère, catholique ardente. Ce ne fut pas lui qui donna le signal de la persécution, mais la régente, Louise de Savoie, pendant la captivité de son fils à Madrid. Les guerres de religion n’éclatèrent point sous François Ier ; elles furent amenées par sa mort et par l’abandon du système général dont lui-même n’avait dévié que d’une manière transitoire, avec une sorte de mesure dans la rigueur et d’économie dans la violence. Sous Henri II, sans devenir permanente, sans être élevée au rang d’institution civile, la persécution fut réputée un moyen de gouvernement, une branche de l’administration, admise, reconnue et consacrée comme telle. Ce fut surtout une coutume qui ne tarda pas à faire partie des mœurs publiques. Cependant la nouvelle religion ne pénétra guère ni dans le peuple ni dans le tiers-état, s’il est vrai que le tiers-état existât réellement comme pouvoir à une époque où, par son essence, il n’était pas distinct du peuple, et où, par la multiplicité des charges, des offices, par la fréquence et la facilité des anoblissemens, il entrait, sinon dans la noblesse d’opinion, du moins dans la noblesse de fait, dans la classe des privilèges exempts des obligations imposées à la roture. Par suite de la répression, malhabile et trop peu ménagée d’Henri II, le protestantisme fit des progrès dans le parlement de Paris ; il y gagna quelques prosélytes, dont le plus résolu fut ce malheureux Anne du Bourg, qui monta plus tard sur le bûcher. Le protestantisme recruta aussi des partisans à la cour, et plus encore dans les châteaux, dans les manoirs, au fond des montagnes du Vivarais, du Gévaudan, du Béarn, parmi les gentilshommes de province, qui, dans le laps de temps écoulé entre les guerres d’Italie et les guerres de religion, n’avaient su que faire de leur oisiveté. Pendant les longues soirées d’hiver, aux romans de chevalerie déjà passés mode, ils avaient substitué les bibles huguenotes et les pamphlets calvinistes, répandus à profusion dans les campagnes par des porte-balles, mode de propagande particulier au protestantisme, et dont l’usage remonte à l’origine même de la nouvelle doctrine. « Pour avoir plus facile succès, dit un historien contemporain (Florimont de Rémond), dans les villes, aux champs, dans les maisons de la noblesse, aucuns se faisoient colporteurs de petits affiquets pour les dames, cachant au fond de leurs balles les petits livrets dont ils faisoient présent aux filles ; mais c’étoit à la dérobée, comme d’une chose qu’ils tenoient bien rare pour en donner le goût meilleur. »

À cette époque, une idée ne réussissait que sous la forme et l’enseigne