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d’un nom propre : disposition d’esprit qui existe surtout dans les partis de nature aristocratique et d’origine ancienne. Là, les caractères des princes, des premiers personnages, les messages secrets, les rapports confidentiels, les dispositions de tel ou tel individu, les anecdotes enfin, occupent plus de place que les vues générales et l’ensemble d’une situation. Ce qui est encore vrai à quelques égards l’était surtout au XVIe siècle. La réforme n’avait pas pris un complet développement dans la noblesse française faute de chefs ; les ducs de Guise se chargèrent de lui en donner.

Ces chefs ne pouvaient être que des princes du sang, seuls assez autorisés pour rallier autour d’eux tous ces gentilshommes déjà prédisposes aux doctrines nouvelles, mais encore flottans et indécis. Il n’y avait pas alors d’autres princes que ceux de la branche de Bourbon, divisée en trois rameaux : Navarre Condé et Montpensier Quoique séparés du tronc par un intervalle immense, à défaut des Valois, les Bourbons seuls avaient un droit incontestable à la couronne ; mais, depuis la révolte du connétable, ils étaient complètement disgraciés[1]. Éloignés des conseils et du commandement des armées, gardés à vue dans les habitations royales, traînés comme des captifs à la suite des rois, on les voyait confondus dans la féale des courtisans, dont ils partageaient quelquefois les emplois et la servitude. Ainsi Louis, prince de Condé, frère d’Antoine, roi de Navarre, était simple gentilhomme de la chambre du roi. Leur père, Charles de Bourbon, duc de Vendôme, sous le coup d’une continuelle menace, vivait dans les transes d’une terreur incurable et profonde. Pendant la captivité de François Ier, il n’avait travaillé qu’à se faire oublier et à bien pénétrer ses fils du péril qu’il y aurait pour eux à sortir d’une obscurité volontaire. Antoine de Navarre se ressentit toute la vie des craintes et des admonitions paternelles. Louis de Condé, au contraire, n’aspirait qu’à rompre le charme funeste que le crime du connétable avait attaché à son nom. Ce jeune prince, dans un corps frêle et presque difforme, portait beaucoup d’ardeur, de pétulance et de courage. Il savait plaire et séduire, mais il avait moins de patience que de résolution, moins de sens que de talent ; son idée fixe était de mettre un terme à l’ostracisme de sa famille.

Devenus rois en réalité, sous l’enfant maladif et rachitique qui en portait le titre, les Guise ne songèrent plus qu’à réaliser leur projet favori d’égaler, et même d’effacer la branche cadette de la maison de France. Déjà, sous prétexte de l’ancienneté de sa pairie, leur père avait précédé au sacre le duc de Montpensier. Par menace plus encore que par conseil, ils éloignèrent le roi de Navarre et le prince de Condé en leur donnant des commissions ridicules qui auraient suffi pour les avilir.

  1. Davila, Guerre civili di Francia, lib. I.