Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/814

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus graves qu’à l’extérieur. Revenus du premier étourdissement que leur avait causé la puissance des Guise, les Bourbon résolurent de reprendre la position de princes du sang et de premiers sujets de la couronne, déjà usurpée en réalité par les cadets de la maison de Lorraine. Condé n’hésita plus à se mettre à la tête des gentilshommes. Le roi de, Navarre entra dans ce projet : à l’instigation de son frère, mais, comme ils ne pouvaient prendre leur point d’appui dans une cour subjuguée par leurs ennemis, ils le cherchèrent en dehors du gouvernement royal. Ils demandèrent à une guerre de religion l’occasion, le prétexte et l’appui qu’elle seule pouvait leur offrir. Ils avaient à choisir entre les deux partis catholique et huguenot. Le choix leur était facile ; le roi de Navarre et le prince de Condé pouvaient y procéder sans scrupule, car ni le roi de Navarre ni le prince de Condé, plus indifférens en matière de religion que leurs contemporains, n’adhéraient bien fermement à aucun symbole. La faiblesse de l’aîné, les mœurs légères du cadet leur laissaient toute liberté à cet égard. Leurs cœurs ne brûlaient pas de ce feu sombre et sacré qui enflammait la tribu biblique des Châtillon ; mais les Bourbon ne pouvaient songer à se faire les chefs du parti catholique : la place était prise. Ils devenaient ainsi les chefs nécessaires des huguenots. Dans leur détresse, ils adoptèrent cette cause comme la seule qui pût amener le rétablissement de leur race et la ruine de leurs persécuteurs, ils adhérèrent publiquement à la religion nouvelle. Cette démarche fut décisive ; l’élite de la noblesse, qui n’attendait qu’un signal et un drapeau, se rangea en foule autour des princes du sang. Quelques familles au rang des plus illustres, quoiqu’en bien petit nombre, les Montmorency en tête, restèrent fidèles à la vieille foi. En revanche, une foule de gentilshommes, les uns animés d’un zèle sincère, les autres moins nombreux, indifférens ou sceptiques, tous ennemis mortels des Guise, se précipitèrent dans la réforme, qui devint alors en France le parti de l’aristocratie.

Dès ce moment, la guerre civile fut allumée ; il ne faut pas oublier qu’elle le fut par l’ambition et surtout par la mauvaise politique des princes de la maison de Lorraine. Que font-ils en effet ? Au lieu de prévenir la conspiration d’Amboise, ils la laissent mûrir et éclater. À ce moment décisif, ils ne montrent qu’une imprévoyance extrême, une irrésolution pusillanime, couronnées par la plus odieuse cruauté. Ils accusent le prince de Condé, puis ils reculent devant la fierté de sa contenance et la fermeté de son langage. Ils entassent mensonges sur mensonges, maladresses sur maladresses : le cardinal de Lorraine propose au prince de se cacher derrière une tapisserie et de dénoncer ses complices ; Guise, très brave, mais encore plus artificieux, au lieu de relever le gant que Condé lui jette à la face, offre son épée à l’insulteur et se