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arrachant cette conquête aux Anglais, Catherine ne se brouilla pas avec leur orgueilleuse souveraine, tant il est vrai qu’avec cette nation le calcul le plus sûr est de ne point perdre son estime.

Après avoir jeté sur sa politique extérieure l’éclat que donne toujours l’indépendance unie à la modération, Catherine ne se montra pas moins habile dans l’intérieur du royaume. Elle enchaîna un moment la guerre civile au pied de la tombe de François de Guise. La famille éplorée du Lorrain était venue lui demander vengeance. La reine remit à trois ans le jugement de cette grande cause, et conclut avec le prince de Condé une paix dont la sagesse et la nécessité furent démontrées par les plaintes et les imprécations des partis extrêmes. Sans doute, pour arriver à cette transaction, les moyens employés par Catherine ne furent pas tous également avouables et précis ; la corruption, et une corruption de toutes les sortes, vint en aide à la prudence politique. Le Tasse, qui voyageait alors en France, a pu prendre à la cour de Chenonceaux l’idée des enchantemens d’Armide : au milieu de l’escadron volant de la reine-mère, Condé séduit et désarmé lui a peut-être suggéré quelques-uns des traits de Renaud, captivé par l’enchanteresse de Damas. En laissant de côté les anecdotes, on peut affirmer que Catherine, dans cette période de son gouvernement, tint tête à l’Angleterre et pacifia la France. À la vérité, cela fut transitoire et doit être attribué surtout à l’ascendant du chancelier de L’Hôpital. Tant que reine-mère conserva sa confiance à cet admirable ministre, elle appliqua avec mesure et souvent avec utilité ces délais, ces tempéramens qui lui étaient naturels ; mais après la disgrace du chancelier, loin de sa surveillance et de ses conseils, elle se complut dans l’excès des moyens qui lui avaient réussi : elle érigea son inclination en système et la faussa en l’exagérant. Ce qui n’avait été qu’une balance sage et prudente devint une bascule aléatoire et capricieuse. Cet esprit ennemi de la ligne droite, n’étant plus rectifié par aucune direction, ni comprimé par aucun frein, devint le fléau du pays. À force de toucher aux plaies de la France, Catherine de Médicis les irrita et les rendit incurables.

Il est vrai qu’elle ne changea de politique qu’après s’être convaincue de l’impossibilité de ramener les partis. La reine-mère et le chancelier avaient publié des édits de pacification fondés sur la tolérance religieuse, et eux seuls en France en avaient pu concevoir la pensée : L’Hôpital par un mouvement naturel de l’ame, Catherine par un raffinement de l’esprit ; mais ce qu’ils admettaient par des motifs différens était rejeté de tout le monde. Personne alors n’était tolérant. C’est au XVIIIe siècle qu’appartient exclusivement le dogme de la tolérance. Il est d’autant plus juste de lui en rapporter l’honneur, que c’est là le seul bienfait qu’il nous ait transmis sans alliage ; don précieux, dépôt qu’il faut conserver avec plus de soin que jamais, depuis qu’il a été adopté et consacré par les organes de la religion elle-même, qui ne demandent