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quand les mœurs étrangères ; à la suite de Catherine de Médicis, entrèrent à la cour et descendirent dans la nation, il y eut toujours un parti français, dont le connétable de Montmorency, ennemi déclaré de l’influence étrangère[1], était alors le chef reconnu et avoué. C’est là ce qui a contribué à jeter sur ce nom de Montmorency un éclat de popularité sans égale. Ce rôle, qui ne fut pas seulement particulier au connétable Anne, mais qu’il transmit à toute sa race, tint primitivement à la position du domaine héréditaire de cette famille, situé aux environs mêmes de Paris. On peut dire que, pendant toute la durée du moyen-âge, dans le grand travail de la création de la France par la guerre, les Montmorency furent les aides-de-camp nés de la monarchie. Aussi, même pendant leurs alliances momentanées, les Guise furent tenus en échec par les deux connétables, Anne et Henry. Les Lorrains ne parvinrent point à entamer le parti français ; ils réussirent encore moins à s’en faire adopter. Bien plus, ils ont toujours passé pour étrangers, même d’ans l’esprit de cette portion du peuple qui les avait acceptés avec passion comme chefs du parti catholique. Ils eurent précisément contre eux la situation géographique, si favorable aux Montmorency. Celle des états héréditaires de leur famille, limitrophes de la France et d’Allemagne, faisait que les descendans de Gérard d’Alsace n’appartenaient bien nettement à aucune des deux nationalités. Ils n’étaient ni Français ni Allemands, et, comme ils avaient quelquefois besoin d’être l’un et l’autre, ils avaient mis tout leur art à tirer le meilleur parti possible de cette ambiguïté. Selon l’événement et l’occasion, on les vit tour à tour Français contre l’empire et Allemands contre la France. Il en résulte que jamais leur voix ne fit remuer la fibre patriotique. Plus tard ce vice originel fut effacé par la consécration des guerres civiles, mais encore d’une manière bien insuffisante et bien incomplète. Malgré tous leurs efforts, au mépris de leur sang versé sur vingt champs de bataille pour l’indépendance de la France, malgré Metz défendue et Calais reconquise ; en dépit de ces balafres héréditaires qui, pendant deux générations consécutives, ont sillonné leurs héroïques visages ; enfin, malgré une naturalisation emportée à coups de victoires, jamais les Guise ne vinrent à bout de l’instinct public, qui, en les acceptant à tant d’autres titres, leur refusa toujours celui de régnicoles : Lors de la mort de François. II, aucun des sept frères n’ayant assisté aux funérailles du jeune roi, on trouva sur le drap mortuaire un écrit tracé d’une main inconnue, qui, rappelant les obsèques de Charles VII, faites aux dépens de Tanneguy Du Châtel, alors exilé, flétrissait doublement les Guise comme ingrats et comme étrangers. L’anonyme avait tracé ces lignes vengeresses : Où est Du Châtel ?… Mais il était Français[2].

  1. Il Contestabile di Momoransi… sprezzava l’ossequio de’ forestieri. – Davila, lib. I.
  2. Histoire des Ducs de Guise, t. 11, p. 117.