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l’impression des contemporains, qui, voyant Condé et Guise réunis dans un carrousel, disaient : Voilà le héros de la fable auprès du héros de l’histoire ! Mais quand du rivage enchanté de la Mergellina on se transporte dans la cave hideuse, dans la caverne immonde du Torion del Carmine, qu’on y voit M. de Guise devenu le flatteur de Gennaro Annese, étendu entre ce sale démagogue de carrefour et sa repoussante femelle sur un grabat autour duquel s’amoncèlent les meubles précieux, les écrins ruisselant de diamans et de perles, les ciselés, les amas d’or et d’argent, enlevés aux palais et aux églises ; lorsqu’on voit enfin ce gentilhomme, ce prince, ce poursuivant de couronnes dormant chez un receleur au milieu d’objets volés, le dégoût l’emporte sur tout autre sentiment. La chute morale des Guise fut cependant retardée quelque temps. Le fameux cadet à la perle se fit à la vérité le recors de Jules Mazarin et le guichetier du grand Condé ; mais il avait pris les îles Sainte-Marguerite, il avait gagné des batailles. Sous la fronde, le duc d’Elbeuf, seul rejeton de la maison de Lorraine en France, issu d’un septième fils de Claude, essaya de conduire la guerre civile à la mode de ses ancêtres, et fut bientôt forcé de résigner le commandement. Les aventures de Marie de Rohan ; duchesse de Chevreuse, jetèrent aussi un intérêt romanesque sur la postérité des Guise, qui jouèrent encore un diminutif de rôle militaire et politique, après ces lueurs mourantes, il n’y a plus que la décadence, disons plus, la dégradation ; elle est même portée à un point qu’on ne saurait dire. Le nom du chevalier de Lorraine, empoisonneur douteux de Madame, mais favori authentique de Monsieur, doit être prononcé sans commentaire et seulement par une observation scrupuleuse de l’exactitude chronologique. Ici nous rétrogradons de la renaissance française à l’antiquité romaine ; nous allons de Rabelais à Pétrone.

Dans la galerie des Guise, les portraits succédaient désormais aux tableaux. Saint Simon s’y est surpassé ; les Lorrains deviennent ses victimes privilégiées. Quelle énergie, quelle verve comique, quelle bile amère et colorée ! Quelle suite de caractères pris en flagrant délit dans cette famille si nombreuse, si accréditée, si élégantes, l’ornement, mais aussi le fléau de la cour de Louis XIV, par ses insolences, par ses vices, par cette avidité d’argent qui, dans les descendans dégénéré des Guise, avait succédé à des convoitises non moins coupables, mais plus héroïques ! Quels portraits que. M. le Grand, le comte d’Armagnac, grand écuyer, et le comte de Marsan, son frère, « l’homme de la cour le plus prostitué à la faveur, gorgé des dépouilles de l’église, des femmes, de la veuve et de l’orphelines enragé de malefaim par une paralysie sur le gosier, qui, lui laissant la tête dans toute sa liberté et toutes les parties du corps parfaitement saines, l’empêcha d’avaler ! Il fut plus de deux mois dans ce tourment, jusqu’à ce qu’enfin une seule goutte ne