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par cette peuplade asiatique, la Bolivie, que j’allais parcourir en quittant Puño. On comprendra que j’aie dit adieu sans trop de regret à la petite ville péruvienne, sachant d’avance que j’allais pénétrer sur le théâtre d’une civilisation d’origine plus reculée encore que celle des Incas.

Aller de Puño à la Paz, au cœur de la Bolivie, visiter les bords du lac de Titicaca, revenir à Puño pour me diriger de là vers Cusco, le Bas-Pérou et Lima, tel était l’itinéraire que je m’était tracé en me disposant à franchir la frontière péruvienne. À quelques heures de marche de Puño, on rencontre Chucuito. Ce bourge était jadis une ville importante ayant droit de battre monnaie. Les armées du roi d’Espagne et celles de la république ont long-temps occupé ce district et l’ont complètement dévasté ; les trois quarts des maisons de la ville sont en ruines. Quelques débris de palais ou de temples péruviens se retrouvent çà et là assez bien conservés. De Chucuito à Acora s’étend une plaine basse et marécageuse qui semble avoir fait jadis portion du lac de Titicaca. Le gouverneur d’Acora m’introduisit dans une grande chambre nue, destinée à recevoir les voyageurs. Le curé du lieu, qui vint me visiter, ne pouvait comprendre pourquoi je m’étais décidé à parcourir le Pérou. — Quel plaisir trouvez-vous, disait-il, à passer les Cordilières et à chevaucher sur ces plateaux glacés de la sierra ? – J’étais curieux répondis-je, de visiter l’ancien royaume des Incas. — le curé resta convaincu que, si j’avais passé les mers, c’était uniquement pour chercher les trésors, les tapados, que renferment, dit-on, la plupart des monumens péruviens.

Deux jours de marche à travers des plaines semées de curieux débris et de tombeaux antiques, restes de la domination des Incas, m’ont conduit d’Acora à July, autre bourgade péruvienne. July est à noter pour ses quatre églises en pierre de taille. Les jésuites ont marqué ici leur passage, comme dans le reste de l’Amérique, par de majestueux édifices et de nobles entreprises. À July, ils exploitaient de riches mines d’argent et seigneurisaient le pays, selon la pittoresque expression espagnole : segnoravan el pais. Tout près de July, on rencontre le Desaguadero, rivière formée par le trop plein du lac de Titicaca, qui, vingt lieues plus loin, va se perdre dans les sables. Le Desaguadero, que l’on passe sur un pont de roseaux, marque la frontière sud du Pérou. De l’autre côté commence la république de Bolivie, où les douaniers vous arrêtent pour examiner vos malles avec une attention scrupuleuse, comme cela se pratique sur nos frontières françaises.

La Bolide est formée de six provinces ; Potosi, la Paz, Chicas, Cochabamba, Charchas, Santa-Cruz, enclavées dans l’intérieur des Cordillères et séparées de la côte par des déserts. Le nom même de cette république rappelle celui de l’homme qui l’a fondée, de l’e homme que