Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/899

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

frères, hardis et puissans, tentèrent d’exploiter à leur profit les haines qui divisaient les autres princes du pays. La tradition n’a conservé que le nom de Manco Capac, l’un d’eux, Manco le riche. Manco Capac réunit ses vassaux autour de lui guida leurs premiers efforts vers la civilisation, et leur donna des lois. Une autre tradition fait de Manco. Capac un homme blanc et barbu, qui accompagné de sa femme, Mama Ocello parut au Cusco, réunit les habitans épars dans la campagne, où ils vivaient encore à l’état sauvage, et leur apprit à construire des maisons, tisser des étoffes de laine, ensemencer les terres, etc.

Dans les pays à forêts vierges, l’homme peut vivre par familles isolées, car il a moins besoin du secours des autres hommes, et la difficulté des communications est un obstacle à leur réunion ; mais un pars de pâturages favorise le rapprochement des familles : on y peut parcourir de longs espaces en un jour, pour fuir ou aller chercher son ennemi, et, comme les forêts ne sont pas là pour dérober le plus faible à la tyrannie du plus fort, l’individu menacé est obligé de se réunir à d’autres hommes timides ou faibles comme lui. La société naît aussitôt que commence cette agrégation des familles. Il n’est donc pas probable que Manco Capac ait trouvé les Péruviens encore à l’état sauvage, et ce qui le prouve, c’est, que nous voyons les premiers successeurs de Manco Capac obligés de combattre des chefs puissans enfermés dans leurs forteresses, et consacrant à leur premier culte les temples des divinités étrangères. Forteresses et temples, voilà certes l’indice d’une certaine civilisation.

Une troisième tradition fait venir Manco Capac du lac de Titicaca ; Mais, s’il eût appartenu à la race aymarienne, comment aurait-il prêché et converti les peuples de la langue quichoise ? et comment, étranger au pays, aurait-il eu le pouvoir de se faire une principauté indépendante au milieu des autres chefs, à quatre-vingts lieues de l’Aymara ? où aurait-il lui-même puisé cette civilisation qu’il apportait aux Quichois ? Une quatrième tradition, et, celle-là, on la trouve imprimée tout au long dans un Voyage du général Miler, officier anglais au service du Pérou, rapporte qu’à l’époque reculée dont nous parlons, un bateau, poussé sur les côtes du Pérou, y jeta un homme blanc ; que les Indiens lui demandèrent de quelle race il était, et qu’il répondit Inglisman, d’où les Indiens auraient fait par corruption Incaman. La civilisation du Pérou serait donc d’origine européenne ! Ce qui pourtant indiquerait que la civilisation qu’apporta ou que créa Manco Capac était américaine, c’est qu’il réserva exclusivement à la famille impériale le privilège d’avoir les oreilles percées et tombantes sur les épaules, comme il est d’usage encore aujourd’hui parmi les sauvages botocudos du Brésil.

Manco Capac prêcha le dogme d’un être suprême ; créateur de toutes