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satisfait du présent et de s’inquiéter sérieusement de l’avenir. Abaissement ou absence de pensée, habileté de main tels sont les caractères généraux qu’on saisit au milieu de ce tohu bohu des manières les plus diverses : La grande peinture s’affaiblit chaque jour davantage, et le succès n’est guère que pour les ouvrages de petite dimension tableaux de genre, paysages, etc. Est ce là un progrès ? Pour faire un tableau d’histoire, la tête doit être de moitié avec la main ; le choix médité d’un sujet, l’ordonnance des lignes, l’expression des sentimens et la noblesse du dessin sont des conditions indispensables. Il est, des œuvres, au contraire, où la nature vulgaire du sujet et l’exiguïté du cadre permettent quelquefois de se soustraire a ces règles, impérieuses, disons mieux, de les faire oublier. Ce n’est donc pas bon signe si, pour montrer du talent, il nous faut nous rapetisser et nous réfugier dans les natures mortes.

Chaque année nous le savons revient avec persistance un paradoxe mais : que le choix du sujet importe peu, que le rendu est tout, et l’on vous jette aussitôt à la tête les flamands et les Espagnols. L’étrange argument que voilà ! Un des plus beaux tableaux de l’école flamande est, sans contredit, le Jour des Rois de Jordaens ; quelle que soit pourtant la puissance vraiment extraordinaire de couleur qu’on admire dans ces compères en goguette, on nous permettra de garder notre préférence pour telle madone qu’on voudra de Raphaël, bien qu’il n’y en ait aucune qui soit aussi montée de ton. Il va sans dire que, si l’on nous donnait des Jordaens ou des Paul Potter, nous ne réclamerions pas ; mais soyons francs, et ne prenons ces raisons que pour ce qu’elles valent, pour l’excuse de l’impuissance. Si nous dédaignons la composition, c’est que nous ne voulons pas nous donner la peine d’apprendre à composer ; si nous offensons le dessin, c’est que nous ne savons pas dessiner. « Horace, mon ami, disait le vieux David, d’humeur narquoise, tu fais des épaulettes parce que tu ne sais pas faire des épaules. » A notre tour, nous faisons des maisons et des arbres, parce que c’est plus facile que de faire des hommes, et, quand nous peignons des hommes, nous leur passons un habit ou, une blouse, parce que c’est bien plus aisé à tout prendre que de les peindre nus. Pour dernier trait, si nous voyons des artistes (et ce n’est encore que demi mal) s’en tenir à la reproduction exacte des formes, sans souci du choix et de l’expression, le plus grand nombre n’admet même plus la forme définie par les contours, et se borne à rendre l’apparence des objets au moyen d’un certain ajustement de couleurs plaisant à l’œil, où la dextérité de la main joue le principal rôle, de comte à demi avec le hasard. Et quand ces pochades informes se produisent, prétentieusement, sont applaudies et font école, comment ne pas crier à la décadence ? En vérité ; c’est un devoir, et des plus impérieux, car, pour