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volontiers quelque jupon ou tablier rose dont le ton n’est pas toujours juste. M. Jules Laurens a qui a fait le, voyage de Perse avec M. Hommaire de Hell, en a rapporté des vues tout-à-fait pittoresques, entre autres la Forteresse de Rehagués, espèce de tour cannelée qui s’elève solitaire au milieu de la plaine de Téhéran. MM. Gudin, Garnerey, Barry, Courdouan, ont toujours le monopole des eaux. Entre toutes ces marines également estimables ; il faut signaler une belle vue du grand canal de Venise près de l’Église de Santa Maria della Salute, par M. Joyant. Nous nous sommes quelquefois demandé ce que ferait M Joyant, si Canaletto n’avait pas existé.

Décidément M. Troyon monte d’un cran dans l’échelle des êtres. Il quitte les arbres pour les bœufs et les moutons, qu’il peint mieux que M Palizzy et avec plus de fermeté que Mlle Rosa Bonheur. M. Palizzy empâte beaucoup trop, Mlle Bonheur traite ses moutons à la Deshoulières ; elle bichonne un peu ses vaches, qui sont du reste fort bien dessinées, et glisse dans ses paysages de certains fonds violets peu naturels. Nous préférons aux idylles de Mlle Bonheur le Troupeau de moutons couchés sous un ciel noir dans une vaste plaine déserte, par M. Troyon, qui a mis dans une scène aussi simple un vrai sentiment rustique. Les Bassets de M. Laffitte et la Louve dévorant un mouton de MM. Ledieu, le Supplice de Tantale de M. Stevens et les Chiens de M. Jadin figurent avec distinction dans la galerie des quadrupèdes, dont M. Philippe Rousseau reste toujours le peintre ordinaire et privilégié. Toutefois son grand tableau Part à deux, où un griffon vient disputer une assiette de lait à une famille de chats, présente un aspect papillotant et des effets qu’on ne trouverait certainement pas dans la nature, tels que l’ombre portée d’une assiette de Chine pleine de lait qui semble ne pas toucher à terre ; mais il y a des parties admirables : un délicieux petit chat gris perlé entre autres mettant les pattes dans l’assiette et plongeant son museau rose dans le lait. On retrouve la même justesse de coloris dans ses deux tableaux de nature morte ? l’on voit un chardonneret et un rouge-gorge accrochés à un clou avec une branche de mûre, et une table chargée de fruits et de légumes ; toutes les roses, les dahlias et les fruits des peintres du genre pâlissent bien à côté des salades et des radis de M. Rousseau, bien qu’on ne puisse nier un mérité considérable aux fleurs de Mmes Apoil, Wagner, aux fruits à l’aquarelle de M. Grenier, aux gouaches de M. Chabal Dusurgey, et surtout aux bouquets de fleurs si finis dans leur petite taille de M. Stenheil