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villes des Pays-Bas, de l’Alsace et des bords du Rhin, de curieux débris qui attestent l’emploi prolongé dans les églises de la statuaire à ressorts. C’est ainsi qu’à la fin du dernier siècle on voyait dans la cathédrale de Strasbourg, au bas d’un escalier qui conduisait de la nef aux orgues, un groupe de bois sculpté, représentant Samson monté sur un lion dont il ouvrait la gueule. De chaque côté se tenait une figure de grandeur naturelle : l’une embouchait une trompette, l’autre avait à la main un rouleau pour battre la mesure. « Ces figures, ajoute l’historien qui nous a transmis ces détails, se mouvaient autrefois par des ressorts qui sont aujourd’hui usés[1]. » M. Prutz, dans son histoire du théâtre allemand[2], énonce, comme un fait qui n’a pas besoin de preuves, que dans les anciennes représentations ecclésiastiques, notamment dans celles qui accompagnaient les processions patronales, le personnage du saint ou de la sainte, dont on célébrait la fête était rempli d’ordinaire par une simple figure de bois probablement mue par des ressorts (nur eine Puppe). En Pologne, on faisait le plus fréquent usage de ces moyens d’illusion. Au temps de Noël, dans beaucoup d’églises, surtout dans celles des monastères, on offrait au peuple, entre la messe et les vêpres, le spectacle de la Szopka, c’est-à-dire de l’étable[3]. Dans ces espèces de drames, des lalki (petites poupées de bois ou de carton) représentaient Marie, Jésus, Joseph, les anges, les bergers et les trois mages à genoux, avec leurs offrandes d’or et d’encens, sans oublier le boeuf, l’âne et le mouton de saint Jean-Baptiste. Venait ensuite le massacre des innocens, au milieu duquel le fils d’Hérode périssait par méprise. Le méchant prince, dans son désespoir, appelait la mort, qui arrivait aussitôt sous la forme d’un squelette, et lui tranchait la tête avec sa faux. Puis surgissait un diable noir, à la langue rouge, ayant des cornes pointues et une longue queue, qui ramassait le corps du roi et l’emportait en enfer, au bout de sa fourche. Des représentations du même genre, exécutées par des personnes vivantes ou par des marionnettes, étaient aussi fréquentes dans les églises du rit grec. Tous les ans, le dimanche d’avant Noël, on jouait, à Moscou et à Nowgorode, le mystère des trois jeunes hommes dans la fournaise. La représentation avait lieu devant le maître-autel[4].

Un des premiers résultats des prédications de Luther, surtout quand elles eurent été exagérées et dépassées par ses fougueux émules, les Carlostadt

  1. Grandidier, Essai sur l’histoire de la cathédrale de Strasbourg, p. 281.
  2. Prutz, Vorlesungen… (Leçons sur l’histoire du théâtre allemand), p. 16.
  3. Du mot szopa, qui signifie une cabane de terre couverte de paille, on a formé le diminutif szopka, une étable.
  4. Ph. Strahl, Geschichte der Russischen Kirche (Histoire de l’église russe), Halle, 1830, t. 1er, p. 695. Une analyse détaillée du mystère des trois jeunes hommes se trouve dans le recueil intitulé : Altrussische Bibliothek, t. V, p. 1-36.