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requête au roi pour en obtenir la suppression[1]. Au resté, ces actes d’hostilité contre les marionnettes ne furent, en somme, que des cas assez rares, et la guerre déclarée aux comédiens par les consistoires, loin d’avoir nui aux marionnettes, fut pour elles au contraire l’occasion d’une excessive prospérité.


VI. – MARIONNETTES ALLEMANDES DEPUIS 1699 JUSQU’AU MILIEU DU XVIIIe SIECLE.

À mesure que décrut le nombre des théâtres réguliers, on vit augmenter celui des théâtres de marionnettes. Les troupes de ce genre furent particulièrement nombreuses à Hambourg et à Vienne, et de ces deux villes elles se répandaient dans le reste de l’Allemagne. Je dis troupes de marionnettes, et c’est aussi la dénomination singulière, mais juste, qu’emploient les critiques allemands quand ils parlent des marionnettes de cette époque. En effet, contrairement à l’ancien usage, où une seule voix habilement ménagée parlait pour tous les personnages, chaque poupée mécanique eut un interprète à part, choisi d’ordinaire parmi les comédiens découragés qui n’osaient plus exercer ouvertement leur profession[2]. Ces acteurs, lorsque le temps, les lieux et la disposition du public le leur permettaient, replaçaient au magasin leurs Sosies de bois et se remettaient à jouer leurs rôles en personne. Cette organisation bizarre et complexe des théâtres allemands explique comment nous allons rencontrer, pendant un demi-siècle, les mêmes pièces, et notamment celles que l’on appelait Haupt-und Staatsactionen, jouées tantôt par des acteurs, tantôt par des marionnettes, sans que l’on puisse en faire bien nettement la distinction.

C’est ici le moment d’expliquer la signification assez obscure, même en Allemagne, du nom de Haupt-und Staatsactionen, donné à de certains drames très en vogue depuis la fin du XVIIe siècle jusqu’à la moitié du XVIIIe. Un historien du théâtre allemand, cherchant à déterminer exactement le cercle dans lequel pouvaient se mouvoir les auteurs des pièces de ce genre, a dressé la liste des diverses sources où il leur était permis de prendre leurs sujets. Les Haupt-Actionen pouvaient, suivant M. Prutz, mettre à contribution la mythologie, la Bible, la chevalerie, l’histoire, la féerie ; tout en un mot, comme on voit, ou )eu s’en faut[3]. Trois seules conditions leur étaient imposées : elles

  1. Voyez l’article Faust de M. Em. Sommer dans l’'Encyclopédie d’Ersch et Gruber, et Das Puppen-Spiel vom Doctor Faust, Leipzig, 1850 ; préface, p. XIII.
  2. Suivant l’éditeur du Puppen-Spiel vom Doctor Faust (Leipzig, 1850), le nombre des interprètes dans cette pièce a été réduit récemment à quatre au théâtre de marionnettes de Leipzig, p. 83.
  3. Prutz, ouvrage cité, p. 207 et suiv.