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qui ait jamais existé pour la perfection des petits acteurs de bois, les décorations et les machines ; et ce que nous avons appris enfin par le témoignage même de Haydn, c’est que ce sublime compositeur, qui savait si bien d’ailleurs porter la gaieté dans la musique instrumentale, témoin sa symphonie comique[1], se plut à écrire de 1773 à 1780, c’est-à-dire dans toute la vigueur et la plénitude de son génie, cinq operette pour les marionnettes d’Eisenstadt. Dans la liste de toutes ses œuvres musicales que l’illustre vieillard remit, signée de sa main, à M. Charles Bertuch pendant son séjour à Vienne[2], on lit la mention que je transcris : — Operette composées pour les marionnettes : Philémon et Baucis, 1773. — Genièvre, 1777. — Didon, parodie, 1778. — La Vengeance accomplie[3] ou la Maison brûlée (sans date). — Dans la même liste est indiqué le Diable boiteux, probablement parce qu’il fut joué par les marionnettes du prince d’Esterhazy ; mais cet ouvrage avait été composé à Vienne, dans la première jeunesse de l’auteur, pour Bernardone, directeur d’un théâtre populaire à la porte de Carinthie, et avait été payé 24 sequins[4]. On avait cru que ces curieuses partitions, toutes inédites, avaient péri dans un incendie qui consuma une partie du château d’Eisenstadt, et notamment le corps de logis qu’y occupait Haydn. Il n’en est rien ; elles ont été vues en 1827 dans la bibliothèque musicale des princes d’Esterhazy, avec une vingtaine d’autres dont on aimerait à connaître les titres[5].

Ce fut peut-être pour servir d’ouverture à une de ces divertissantes représentations, plus particulièrement destinées aux plaisirs des jeunes membres de la famille d’Esterhazy, que Haydn imagina de composer la singulière symphonie qu’il a intitulée Fiera dei fanciulli. Carpani nous en a raconté l’histoire. Un jour, Haydn se rendit seul à la foire d’un village des environs. Là, il fit provision, et rapporta un plein panier de mirlitons, de sifflets, de coucous, de tambourins, de petites trompettes, bref tout un assortiment de ces instrumens plus bruyans qu’harmonieux qui font le bonheur de l’enfance. Il prit la peine d’étudier

  1. Dans ce morceau, tous les instrumens et les instrumentistes disparaissent successivement, de façon que le premier violon se trouve jouer tout seul. Voyez dans Carpani l’histoire ou plutôt les histoires relatives à cette symphonie. Pleyel a fait la contre-partie de cette bouffonnerie musicale. Le premier violon est seul à son poste et les exécutai en retard arrivent, l’un après l’autre, prendre part à la symphonie. Lettere su la lita del celebre maestro Gius. Haydn, p. 119.
  2. C. Bertuch, Bemerkungen… (Observations faites dans un voyage de Tubingue à Vienne), t. les, p. 179.
  3. Carpani, en reproduisant cette liste, a substitué à la Maison brûlée une pièce qu’il intitule Sabbato delle Streghe, qui ne semble pas pouvoir être le même ouvrage. Voyez Carpani, ouvrage cité, p. 296.>
  4. Gins. Carpani, ouvrage cité, p. 81.
  5. Voy. Gazette musicale de Leipzig, 1827 ; t. XXIX, n° 49, p. 820.