Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 13.djvu/1063

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de courber la tête. Au point de vue de la nécessité, la démonstration ne laisse rien à désirer. Ce qui s’est accompli en Angleterre de 1625 à 1649, était préparé de longue main, et pour s’étonner de la défaite de Charles Ier, il faut ignorer complètement l’histoire de la nation anglaise. M. Guizot a porté dans l’exposition du sujet qu’il voulait traiter une lucidité qui réunira tous les suffrages. Il ne laisse en effet aucune objection sans réplique. Il marche résolûment au-devant de toutes les difficultés. Maître de son sujet, il en connaît tous les écueils et tous les dangers ; il les signale et les évite avec une sécurité, une habileté qui montrent en lui un pilote consommé. Son dessein est de prouver que la révolution française, fille de la révolution anglaise, ne s’est pas accomplie sous l’empire des mêmes causes, et la thèse qu’il soutient est tellement excellente, qu’il n’a pas grand’peine à prodiguer l’évidence.

En effet, si la liberté religieuse a joué un rôle considérable dans la révolution anglaise, il est permis d’affirmer qu’elle a joué un rôle très modeste dans la révolution française, ou que du moins elle avait changé de nom, quand elle a décidé la convocation des états-généraux, car en 1789 c’est-à-dire cent quarante ans après la mort de Charles Ier, il ne s’agissait plus en France de savoir si Luther avait raison contre saint Jérôme, mais bien de savoir si la philosophie avait le droit de se poser en face de l’église. La question, comme on le voit, s’était singulièrement élargie. Aussi M. Guizot n’hésite pas à déclarer que la révolution anglaise n’a été qu’une révolution politique, complément nécessaire, complément inévitable d’une révolution religieuse, tandis que la révolution française, conséquence logique d’une révolution philosophique, a dû nécessairement revêtir un caractère social. Il y a dans les argumens employés par M. Guizot une telle évidence, je dirai même une telle splendeur, que je recommande la préface de son histoire comme une des manifestations les plus éclatantes de la raison humaine. Tout ce que le bon sens, tout ce que l’érudition pouvait suggérer, il l’a développé avec une rare intelligence, et je crois impossible de conserver l’ombre d’un doute après avoir lu l’exposition de sa pensée. Ses argumens sont empreints d’une telle sincérité, les faits qu’il allègue sont triés avec tant de discernement, qu’il est bien difficile de ne pas accepter son opinion comme souverainement vraie. Étant donné le développement politique de l’Angleterre, il était nécessaire que la révolution anglaise précédât de cent quarante ans la révolution française. Il n’y a là rien de fortuit, rien de capricieux ; c’est la marche naturelle des choses. En même temps, en effet, que la royauté achevait sur le continent la défaite de l’aristocratie, elle proclamait dans la Grande-Bretagne l’abaissement de la papauté. Il fallait donc bon gré, malgré, que l’abaissement de la papauté portât ses fruits dans l’ordre politique. La France, au XVIIe siècle, n’était pas mûre pour une telle insurrection, je veux