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liberté politique ne pouvait manquer d’amoindrir, d’énerver et de terrasser l’autorité royale en Angleterre. Luther, en fournissant à Henri VIII l’occasion de secouer l’autorité papale, n’a fait que hâter le triomphe de la cause démocratique. — Tous ceux qui ont feuilleté les documens historiques ne conservent aucun doute à cet égard. M. Guizot, qui sait à quoi s’en tenir sur l’érudition de la foule, a réuni dans un cadre facile à embrasser toutes les preuves que la foule ignore. C’est un service qu’il a rendu, au bon sens, à la vérité, et dont nous devons le remercier. Il ne faut jamais négliger d’exprimer sa reconnaissance aux hommes qui nous présentent, sous une forme claire et lumineuse, le fruit de leurs études persévérantes. M. Guizot a restitué à la révolution anglaise la place qui lui appartient dans l’histoire, ou, pour parler plus nettement, dans le développement de la raison humaine. C’est un titre assez glorieux pour que je me plaise à le constater. L’auteur n’eût-il pas rendu d’autre service à la science, sa place serait encore marquée au premier rang.

Ainsi la révolution anglaise ne peut se confondre avec la révolution française. Non-seulement elle s’est accomplie cent quarante ans plus tôt, mais elle ne se proposait pas le même but et ne s’est pas accomplie dans les mêmes conditions. M. Guizot, avec une sagacité qui révèle chez lui la connaissance approfondie de toute la vie intérieure de la Grande-Bretagne, nous a montré que ce fait si grave n’avait rien d’inattendu et nous a prouvé que la religion n’avait pas dans cette tragédie un rôle moins important que la politique. Et quand je parle de religion et de politique, je n’entends pas désigner seulement les théories qui embrassent la nature divine, les relations de l’homme et de Dieu, la destination et le gouvernement des sociétés : je veux désigner surtout les passions des partis qui traduisent dans le monde extérieur les théories religieuses et politiques. C’est la seule manière, en effet, de comprendre l’histoire, car les révolutions les plus légitimes ne se font pas en vertu des idées pures. Il faut que les passions viennent au secours de la vérité. M. Guizot ne s’est pas contenté de le comprendre ; il nous l’a expliqué avec une lucidité qui ne laisse rien à désirer. Je regrette seulement qu’il n’ait pas mis plus de vivacité dans le dessin des caractères. Ayant en main tous les élémens de la vérité, il s’en est servi avec trop de réserve et d’avarice. Puisqu’il connaît si bien le pédantisme de Jacques Ier, la frivolité fastueuse de Buckingham, pourquoi s’est-il abstenu de nous révéler tout entiers ces deux personnages ? Sa pensée, très vraie en elle-même, justifiée par des documens authentiques, serait encore plus vraie pour la foule, s’il eût pris la peine d’ajouter à l’évidence de la démonstration le charme du récit et des anecdotes : non pas que je conseille à l’historien de sacrifier la raison à l’imagination ; mais il est toujours utile de revêtir la vérité des