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Le spectacle toujours présent des événemens accomplis ne permet pas au pinceau de s’égarer. Je crois donc que M. Guizot s’est trompé en négligeant de tracer le portrait complet de Buckingham. ; cette tâche, fidèlement achevée, eût rendu plus facile la tâche qu’il avait entreprise : le favori nous eût expliqué le roi. La méthode qu’il a suivie, plus austère et plus séduisante peut-être pour un esprit habitué à dogmatiser, ne pouvait manquer de rebuter le plus grand nombre des lecteurs, et c’est en effet ce qui est arrivé. Dès les premières pages, chacun devine qu’il s’agit plutôt de l’exposition que du récit de la révolution anglaise. Comme la part faite à l’imagination est mesurée d’une main avare, comme l’auteur s’adresse à la seule raison, bien peu de lecteurs se résolvent à le suivre sans broncher, sans détourner la tête. Pour entraîner la foule sur ses pas, il n’avait qu’à nous montrer des hommes au lieu de nous montrer des idées. Il ne l’a pas voulu et porte la peine de sa faute.

Cependant j’aurais mauvaise grace à ne pas reconnaître que M. Guizot, malgré les lacunes que je signale, a su renouveler l’histoire de la révolution anglaise, sinon par la vivacité des portraits, par la rapidité du récit, du moins par la profondeur et la lucidité de l’analyse. Aucun des livres publiés en Angleterre sur le même sujet n’explique aussi clairement les desseins et les espérances des partis. Sous ce rapport, l’ouvrage de l’historien français mérite les plus grands éloges. M. Guizot a très bien montré que derrière chaque parti politique se trouvait un parti religieux, et que la réforme de l’état était liée très étroitement à la réforme de l’église. Ainsi le parti légal, qui croyait trouver dans l’application loyale et complète des lois promulguées par les prédécesseurs de Charles Ier la ruine des abus, qui ne songeait pas à fonder une société nouvelle sur l’anéantissement du passé, avait derrière lui le parti épiscopal, c’est-à-dire un parti qui, tout en blâmant l’autorité, la puissance exagérée des évêques, ne voulait pas cependant abolir l’œuvre de Henri VIII. Il est facile, en effet, de saisir la concordance parfaite du parti légal et du parti épiscopal. Le parti révolutionnaire, qui ne voyait pas dans les lois sanctionnées par la monarchie un remède aux maux qu’il voulait guérir et demandait aux communes des lois nouvelles, avait derrière lui le parti presbytérien, qui voulait substituer au gouvernement épiscopal de l’église un système hiérarchique d’assemblées coordonnées entre elles comme les rouages d’une vaste machine. Et en effet le parti révolutionnaire, tout en voulant réformer l’état, ne songeait pourtant pas à renverser la royauté. Sans doute il se proposait de modifier profondément la monarchie et les relations du pouvoir exécutif et du pouvoir parlementaire ; mais il ne rêvait pas la destruction de la monarchie. Le parti presbytérien professait en matière religieuse des principes analogues. Tout en substituant