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Dans l’Histoire de la Civilisation européenne, qui n’embrasse pas plus de quatorze leçons, il s’en est tenu au développement purement social, et n’a pas abordé le développement individuel. Personne sans doute ne s’en étonnera. Renfermer dans le court espace d’un volume la civilisation européenne n’est pas un problème facile à résoudre, et je conçois très bien que l’auteur, pressé par le temps, n’ait envisagé qu’une seule face de son sujet. Ce qui donne à ses leçons sur l’Histoire de la Civilisation européenne une valeur inestimable, c’est qu’il a marqué avec une précision parfaite l’origine, le sens et la portée de tous les événemens accomplis. Parmi les livres publiés dans les principales langues de l’Europe, je n’en connais pas un qui marqua, plus nettement la différence qui sépare le moyen-âge des temps modernes. Il y a dans les leçons de M. Guizot une passion pour les documens originaux qui marche résolûment au-devant de toutes les objections, et qui ferme la bouche à l’incrédulité. Il règne dans cet enseignement austère et paisible une sérénité qui défie toute colère et se concilie toutes les sympathies. Les faits sont analysés avec une telle clarté, les principes exposés avec une telle évidence, que l’intelligence la plus rétive est obligée de se soumettre. Quelles que soient les doctrines personnelles de l’auteur, la décomposition et l’appréciation des faits ne nous permettent pas de les deviner. Il a vécu dans le commerce familier du passé, il nous offre les faits accomplis, tels qu’il les a vus, et nous ne pouvons pas songer un seul instant à contester sa véracité, car ses mains sont pleines de preuves, et tous les documens recueillis depuis le Ve jusqu’au XVIIIe siècle sont feuilletés par lui avec une sécurité magistrale. Son Histoire de la Civilisation européenne est, à mon avis, un des livres les plus instructifs qui puissent être offerts à la méditation. Il rappelle à ceux qui savent, et donne à ceux qui ne savent pas le vif désir de savoir.

Quant aux esprits frivoles qui se plaignent de ne pouvoir lire sans ennui l’Histoire de la Civilisation européenne, je ne perdrai pas mon temps à les consoler. Ils s’ennuient parce qu’ils ne comprennent pas ; ils ne comprennent pas parce qu’ils ne savent pas. C’est l’éternelle histoire de tous les esprits paresseux. Dans tous les ordres d’études, ces esprits indolens sont voués à la même destinée : en croyant faire acte de modestie, ils font acte de vanité. Ceux qui ne connaissent pas les quatre premiers livres d’Euclide, c’est-à-dire la théorie géométrique des figures, sont inhabiles à comprendre la théorie géométrique des corps ; c’est une conséquence logique de leur ignorance. Faut-il s’en étonner ? Assurément non. La théorie de la sphère ne se conçoit pas sans la théorie du cercle, de même que la théorie du cône ne se conçoit pas sans la théorie du triangle rectangle. Il faut que le travail porte en lui-même sa récompense, comme la paresse son châtiment. L’Histoire