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de Tegner, Julie de Saint-Julien et Svante Sture de Franzén. Cette mémorable entrevue, que Tegner a célébrée dans un de ses poèmes, rapprocha les deux écoles, qui désormais unirent leurs efforts pour donner à la Suède une poésie nationale.

Si l’on se demande quels sont aujourd’hui les héritiers du mouvement poétique et littéraire dont nous venons de décrire les phases différentes, plusieurs noms distingués se présentent d’abord, soit dans la littérature légère, soit au théâtre ou dans le roman. Les deux drames de M. Börjesson, la Mort d’Eric XIV et la Mort du fils d’Éric XIV, ont obtenu un grand succès. M. Blanche, auteur de la tragédie d’Engelbrecht, a composé beaucoup de pièces de théâtre et quelques romans qui sont populaires. Les récits de la vie intime de Mlle Frederika Bremer et les scènes maritimes des romans de Mme Carlén ont été beaucoup lus en Suède et en Angleterre. MM. John et Nybom se sont fait un nom dans leur pays par leurs poésies détachées, ainsi que M. Mellin par ses romans historiques, et M. Wennerberg par ses chansons des Glunts. M. Almqvist est un esprit fécond, qui a produit une cinquantaine de volumes, non sans valeur, mais qui s’est perdu lui-même par son humeur fantasque. M. Malmström, jeune encore et agrégé à l’université d’Upsal, a fait preuve d’un talent pur et contenu, qui promet de grandir encore. Enfin plusieurs poètes finlandais se sont associés depuis quelques années, par des travaux remarquables, au mouvement littéraire qui se poursuit en Suède. On sait que, par le traité de 1809, la Suède avait dû céder la Finlande à la Russie en toute propriété et souveraineté, en même temps que l’île d’Aland et ses dépendances, la Bothnie orientale et une partie de la Bothnie occidentale ; mais la langue et les coutumes suédoises avaient laissé en Finlande des traces profondes que la domination russe n’a pu entièrement effacer. Helsingfors et surtout Abo sont des villes presque suédoises ; on y prend nos modes comme à Stockholm, et on y traduit nos vaudevilles et nos opéras. À Helsingfors, la société russe ne se mêle point aux bals de la société finlandaise, et l’été, quand les Russes viennent de la forteresse voisine habiter la ville pour prendre les bains, la plupart des propriétaires finlandais sont retirés à la campagne. Un mouvement curieux de renaissance, que les Allemands ont surnommé la Fennomanie, s’est donc produit récemment dans la nation finlandaise. L’étude de l’ancienne langue finnoise, des poésies populaires, des traditions restées vivantes, surtout parmi les populations de la province de Carélie et du gouvernement d’Arkhangel, tels en étaient les premiers élémens. Une Société finlandaise fondée en 1831, une revue littéraire et philosophique imprimée en suédois sous le titre Suomi, et s’occupant exclusivement de la Finlande, enfin un journal finlandais intitulé Suometar (la Reine Suomi), s’étaient chargés de réunir les travaux épars. Déjà ce mouvement national avait produit le Dictionnaire finnois de Rennwall