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en 1826, la publication de la grande épopée du Kalewala en 1835 et du Kanteletar, ou recueil d’anciens chants du pays, en 1841, due au savant Elias Lönnrot. Une ordonnance du gouvernement russe, interdisant aux étudians, aux paysans et aux ouvriers de faire partie de la Société finlandaise, est venue entraver cet essor. Aujourd’hui, la plupart des journaux d’Helsingfors et d’Abo s’impriment en suédois, et toute la société des villes, un septième environ de la population totale, parle uniquement cette langue. Plusieurs des noms les plus célèbres de la littérature suédoise appartiennent à des poètes finlandais. Kellgrén et Franzén sont nés en Finlande. M. Snellman, dont le journal, imprimé à Kuopio sous le titre de Literatur-Blad, a été long-temps un des meilleurs organes de la critique littéraire dans le nord scandinave, est aujourd’hui négociant à Helsingfors. M. Cygnaeus a publié de jolis vers ; M. Topelius, qui rédige maintenant le Journal d’Helsingfors, s’est montré, comme poète lyrique, le digne héritier de l’aimable Franzén ; M. Berndtson enfin, après quelques poésies légères, a donné au mois de mai dernier un drame en vers dont le sujet est emprunté à la guerre de 1809 : Ur lifvets strid (Une page du combat de la vie), et qui le place aux premiers rangs parmi les poètes nationaux de la Finlande et parmi les auteurs dramatiques du Nord. M. Runeberg surtout, paisible professeur dans un gymnase près d’Helsingfors, s’est élevé, dans ses Récits de l’enseigne Stal, à une poésie aussi haute et plus vraie que celle de son poème favori, la Nuit de la Jalousie. Ses peintures vivantes et patriotiques sont devenues cette fois facilement populaires. M. Runeberg et M. Malmström, voilà les deux poètes les plus distingués de la Suède actuelle. Quoique nous n’ayons pas l’intention d’étudier aujourd’hui tous les caractères de leur talent, la traduction de quelques-unes de leurs poésies les plus aimées en donnera dès à présent une juste idée. M. Runeberg a donné à ses récits poétiques un cadre tout national, en prenant pour sujets les principaux épisodes de la dernière guerre de Finlande. Son petit poème de la Villageoise est empreint, par exemple, d’une grace pénétrante et sévère.


LA VILLAGEOISE

« Le soleil se couche et le soir approche, un doux soir d’été. Une chaude lumière à demi vaincue enveloppe encore les chaumières et la campagne. Las des travaux du jour, une foule de paysans reviennent lentement ; ils ont rempli leur tâche ; ils ont fait la moisson, une abondante moisson cette fois ; ils ont taillé en pièce un bataillon russe ; le soleil se levait quand ils partirent pour le combat ; le soir approche, et tout est dit.

« Tout près du champ de bataille, au bord du chemin, est un village à moitié désert. Sur le seuil d’une pauvre chaumière est une villageoise ; elle regarde sans mot dire la troupe qui marche silencieuse ; elle semble chercher quelque chose. Qui sait à quoi elle songe ? Ses joues brillent d’un chaud coloris