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et la mythologie du Nord, n’ont pas retrouvé mille preuves nouvelles de l’origine commune de Nore, Svea et Dana ? Le Sund ne devrait plus être une source de guerres civiles, mais un lien entre les deux pays, et l’île de Seeland serait la main amie du Danemark tendue vers la Suède. L’idée scandinave a déjà son histoire : c’est la poésie suédoise qui fut la première à la produire. Au nom de la Suède, Franzén adressa au poète danois Frankenau des vœux fraternels, auxquels celui-ci répondit par un chant sympathique. Les souhaits de Franzén parurent se réaliser, lorsqu’en 1829 OEhlenschläger fut appelé à Lund pour recevoir des mains de Tegner la couronne honoraire de docteur. Les deux poètes s’embrassèrent sur le Parnasse de la cathédrale de Lund (on appelle ainsi l’estrade élevée pour la cérémonie universitaire), en présence des professeurs et des élèves. La même année, les étudians de Lund accompagnèrent à Copenhague leur maître Tegner, rendant à OEhlenschläger sa visite récente. L’hiver de 1837-38 jeta sur le Sund un pont de glace ; au mois de février, les étudians de Copenhague et de Lund se rencontrèrent en patinant. Scandinavisme était le mot d’ordre et de ralliement ; on exprimait par des chants patriotiques les craintes communes et aussi les espérances. Plusieurs centaines d’étudians danois se réunirent, vinrent visiter ceux de Lund, et célébrèrent, au milieu des fumées de la bière du Nord, les trois grands dieux Woden, Thor et Frey.

Ces visites mutuelles se renouvelèrent désormais presque chaque année. Pendant l’été de 1842, on promit d’aller l’année suivante visiter Upsal. Upsal est le cœur de la Suède, si Stockholm en est la tête. Ce fut le dernier asile du paganisme dans cette contrée : c’est aujourd’hui la ville sainte du Nord réformé. À une distance de quelques kilomètres au nord d’Upsal et près de l’église de Gamla-Upsala (Vieille-Upsal), construite, à ce qu’on pense, sur les débris du temple païen, on voit encore aujourd’hui trois hautes collines que la tradition respecte comme les tombeaux des grandes divinités scandinaves. Des fouilles récentes, pratiquées sous la direction du prince royal, ont fait découvrir en effet, dans le plus élevé de ces tertres, des vases, des cheveux, des cendres et quelques morceaux de métal, que chacun peut voir en partie au musée des antiques à Stockholm, en partie dans les galeries souterraines où ces objets étaient primitivement placés. L’excursion de 1843 vers ces vieux monumens de la nationalité scandinave fut donc une consécration solennelle des souvenirs d’une ancienne alliance formée par les dieux eux-mêmes. Upsal reçut les étudians de Lund, cent cinquante élèves de Copenhague, et une députation de l’université de Christiania. La visite qu’elle rendit en 1845 à l’université de Copenhague fut un des principaux épisodes de l’histoire du scandinavisme. Plusieurs orateurs, MM. Monrad, Clausen et Orla Lehmann, devenus