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du pays, est fait, par son essence même, pour occuper une grande place dans notre vie publique. Le législateur écrit les institutions sur le papier ; c’est l’opinion qui en détermine le sens réel, qui leur imprime le sceau des mœurs et des tendances générales. La perfection des institutions, c’est de s’y plier ; leur péril, c’est de s’en écarter. Sans qu’il y ait à se méprendre en rien sur les différences d’origine, d’attributions, d’initiative politique, qui existent entre le corps législatif actuel et les assemblées anciennes, il reste toujours, au sein d’une réunion d’hommes dont la plupart étaient la veille encore en contact avec la masse de la population française, cette inspiration naturelle et effective de ce qui vit réellement dans l’ame du pays ; et ce qui vit dans l’ame de notre patrie, n’est-ce point avant tout et par-dessus tout un sentiment modéré ? La modération n’est point pour la France un caprice ou une fantaisie ; elle est un des élémens de sa nature. Au milieu des expériences orageuses où elle s’aventure et des extrémités qu’elle traverse, après toutes les tempêtes qu’elle essuie, le premier sentiment qui renaît en elle, c’est le besoin, la soif de la modération, de la mesure dans la pratique politique, et d’une certaine latitude pour retrouver ce vieux fonds d’équité naturelle, de justes instincts, de libérales aptitudes, que les révolutions altèrent sans le détruire. Ce qui n’est point modéré jure véritablement avec le génie de notre pays, et les heures où il a le plus le goût de la modération ne sont pas celles où il jouit de conditions publiques conformes à ses instincts ; c’est quand il les a perdues, et alors le sentiment est d’autant plus vif : sentiment bienfaisant et juste, fait pour dicter leur conduite aux pouvoirs bien inspirés.

C’est dans quelques jours que vont se réunir définitivement les corps publics créés par la constitution nouvelle, et la date de cette réunion est elle-même l’époque fixée pour l’application entière et régulière du régime nouveau ; c’est le terme assigné à l’état exceptionnel où nous avons vécu quelques mois. Jusque-là, on ne l’ignore pas, le gouvernement s’est réservé le plein usage de la faculté législative. Cette faculté, il l’a exercée avec une activité dont il reste assez de témoignages dans toutes les matières, dans toutes les questions : législation pénale, institutions judiciaires ou économiques, organisation administrative, presse, enseignement, colonisation, finances. Aujourd’hui encore, c’est un décret nouveau, accomplissant hardiment cette conversion de la rente qui a été depuis si long-temps un objet d’études et de discussions toujours sans résultat. Tout, dans cet ensemble législatif, porte une empreinte unique, et se combine naturellement pour étendre l’action de l’autorité exécutive. C’est ainsi qu’un récent décret vient de supprimer l’inamovibilité des professeurs des facultés, du Collège de France, du Museum. On a parlé, dans ces derniers temps, de modifications profondes, de réformes radicales sur le point d’atteindre l’organisation de l’instruction publique. La réforme s’est arrêtée à mi-route, à ce qu’il semble, et reste pour le moment circonscrite dans la sphère du haut enseignement. Le principal caractère de la législation nouvelle, c’est cette suppression de l’inamovibilité dont nous parlions. La section permanente du conseil supérieur est également supprimée, et le conseil lui-même est agrandi et composé d’élémens nouveaux. Le malheur de ces transformations, c’est d’avoir toujours pour résultat de toucher à de grandes et justes renommées. La mise à l’épreuve d’hommes nouveaux est sans doute l’attrait, peut-être aussi la nécessité des politiques nouvelles. La meilleure condition pour la rendre féconde, c’est qu’elle