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que paraisse en penser le cabinet belge, que le plus sûr moyen de dénouer ou de pallier des situations épineuses, ce ne serait pas de commencer par des choses qui ne seraient point de la prudence, pour finir par d’autres qui ne porteraient nullement l’empreinte de la fierté. Ce sont pourtant deux inconvéniens qui se touchent, qui naissent l’un de l’autre souvent, et l’observation très sincère de ces inconvéniens, c’est là toute la vapeur maligne qui a pu ternir notre miroir, puisque miroir on veut nommer ces revues ordinaires que nous consacrons à la politique étrangère. Il nous est toujours infiniment plus agréable, on peut le croire, d’avoir à signaler ce qui peut favoriser la paix que ce qui peut la desservir, et c’est le sentiment que nous éprouvons en pouvant constater d’un autre côté la solution des difficultés qui s’étaient élevées entre le gouvernement français et la Suisse. Ces difficultés, on le sait, tenaient à la question des réfugiés, et avaient pris depuis quelque temps un caractère assez grave. Elles viennent de se terminer heureusement, et le gouvernement fédéral paraît décidé à agir contre le dictateur de Genève, M. James Fazy, qui est un des auteurs de ces difficultés. Un commissaire fédéral, M. Trogg, a été envoyé sur les lieux pour faire exécuter les ordres du gouvernement suisse. La chute de M. Fazy, contre lequel se prononce l’opinion publique, peut en résulter, et ce sera assurément un bonheur pour Genève. Le radicalisme a fait assez de ravages en Suisse pour que son règne soit peu regretté de tous les cœurs honnêtes de ce pays, et on nous permettra, quant à nous, de nous souvenir qu’il a sonné le tocsin de la révolution de février ; c’est assez pour savoir ce que nous en devons penser.

Les débats dont le parlement prussien continue d’être le théâtre prouvent de plus en plus que la vie politique est loin d’être éteinte en Allemagne. Grace à l’heureux accord de la royauté avec le parti libéral, les délibérations de la première chambre sur l’organisation de la pairie viennent d’aboutir à une solution plus favorable qu’on n’osait l’espérer pour les idées constitutionnelles. Qu’on ne l’oublie point, la lutte des partis en Allemagne est bien moins entre la démocratie et la royauté qu’entre la bourgeoisie et les derniers représentans du système féodal. C’est du moins dans ces limites qu’elle se renferme aujourd’hui. À la faveur des craintes que la démagogie a inspirées à la royauté, la grande et la petite noblesse ont en partie ressaisi les privilèges sociaux et l’autorité politique qu’elles possédaient avant 1848 sous la double garantie du pacte fédéral et des constitutions particulières. On sait tout le terrain que les intérêts nobiliaires ont ainsi regagné en Prusse, notamment dans l’administration provinciale, qui, en dépit des lois organiques de 1830, leur a été livrée tout entière. En présence de ces envahissemens, le parti constitutionnel s’est tracé pour ligne de conduite d’être surtout respectueux envers l’autorité suprême. Dans les deux chambres, c’est l’intérêt de la royauté qu’il invoque quand il combat les influences aristocratiques, et défend contre leur orgueilleux ascendant les conquêtes légitimes faites par la bourgeoisie et consacrées par la constitution de 1850. À ce point de vue, l’échec essuyé par les défenseurs des intérêts de la noblesse dans la récente discussion sur les principes fondamentaux de la pairie est très significatif. Les deux partis s’étaient donné un rendez-vous solennel dans ce débat, sur lequel l’école historique avait fondé de grandes espérances. Les divers projets d’organisation présentés contenaient plusieurs dispositions sur lesquelles