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des palinodies, en reniant leur programme tour à tour secret ou avoué de trente ans, en adhérant, par l’organe de leur journal officiel, la Revoluçao, au principe monarchique. Cette brusque abdication est plus fortement accusée encore dans l’adresse en réponse au discours de la reine. Non contentes de parler de dom Pedro et de dora Maria en des termes que les chartistes purs n’auraient pas désavoués, les notabilités septembristes qui ont rédigé ce document y donnent une cordiale adhésion au projet d’acte additionnel à la charte. Or, veut-on savoir ce qu’est cet acte additionnel si bruyamment promis depuis dix mois aux impatiences ultra-libérales ? Un pas franchement rétrograde. Le préambule substitue au principe de l’irresponsabilité constitutionnelle, dont la couronne se contentait parfaitement, je ne sais quelle réminiscence de l’ancienne infaillibilité de droit divin, — le tout au profit des ministres, qui s’arrogent plus loin, notamment en ce qui concerne les impôts indirects, un véritable pouvoir discrétionnaire. Cette légalisation des dictatures présentes et à venir a, il est vrai, pour pendant une apparente concession, l’établissement du suffrage direct ; mais ce mode d’élection, dont l’efficacité libérale commence un peu partout à être révoquée en doute, est particulièrement défavorable aux radicaux portugais. L’élément qui domine au premier degré de l’électorat est, en effet, ici l’élément rural, celui des petits propriétaires et des fermiers, que se partagent les influences aristocratique et cléricale, et chez qui le septembrisme a toujours rencontré d’inexorables répulsions. Qu’elle soit sincère, ou qu’elle émane d’un sentiment d’impuissance, cette abnégation si inattendue des septembristes ne porte-t-elle pas un solennel témoignage de l’ascendant matériel et moral du dictateur ?

Voilà les apparences ; mais, si l’on regarde au fond des choses, tout change de face. Jamais, en réalité, l’autorité de Saldanha ne fut plus illusoire et plus précaire, jamais le radicalisme ne fut plus près du but.

Si, à la veille des élections, les septembristes ont fait si bon marché de leur drapeau, c’est que la fin leur a paru assez séduisante pour justifier les moyens. Saldanha, dont le parti n’existe que de nom, n’avait que peu ou point de candidatures à leur imposer en retour de l’appui électoral qu’il leur donnait, de sorte que, tout en paraissant battre en retraite, la révolution entrait de fait dans la place. Elle l’a prouvé dès les premiers jours de la session, notamment dans le scrutin pour la formation de la liste des cinq membres entre lesquels la couronnes avait à choisir le président de la chambre des députés. Trois noms de l’extrême gauche sont sortis les premiers, et, des deux candidats entre lesquels se partageaient les sympathies du ministère, l’un n’a pas même eu l’honneur de figurer sur cette liste, tandis que l’autre n’y figurait qu’au dernier rang. Et qu’on ne croie pas que la minorité chartiste ait servi ici d’appoint aux septembristes. Dans une autre question, — celle des élections de Villaréal, — où la minorité avait accidentellement intérêt à voter pour le ministère, et où les septembristes étaient seuls contre lui, ceux-ci ont obtenu une majorité relative de 25 voix (55 contre 30).

Si ces essais d’indiscipline n’ont pas encore dégénéré en rupture, si, après avoir prouvé à Saldanha qu’ils étaient les maîtres, les septembristes lui continuent leur appui et affectent même de persister dans leur apparente conversion, cela tient, d’une part, à l’extrême docilité du dictateur, qui pousse l’abnégation