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de la veille et celui qu’il voudrait s’assurer pour le lendemain, il se consulte, il s’interroge, il se met en quête de sources nouvelles où sa verve fatiguée puisse se raviver et se rajeunir. Mme Sand serait-elle arrivée à un de ces instans critiques ? L’archaïsme agreste de ses chanvreurs et de ses faneuses, les traînes et le foin coupé, les beautés du patois berrichon, toute cette poésie rustique à laquelle nous nous sommes prêtés si complaisamment commençait à s’user un peu. On voyait même poindre çà et là des corrompus et des sceptiques qui se demandaient si nous n’avions pas été dupes, et s’il n’y avait pas, sous cette sainte simplicité, sancta simplicitas, comme dit humblement Mme Sand, je ne sais quoi d’arrangé et de convenu qui n’est après tout ni très saint, ni très simple. Il ne faut, donc pas s’étonner que l’auteur du Champi et de Claudie, pris au dépourvu, coure à droite et à gauche, au risque de s’égarer, essayant de rattraper, sous une autre forme, ses bonnes fortunes villageoises, et s’inspirant tantôt de Sedaine, tantôt de Florian, tantôt de Scaramouche. Peut-être, dans les circonstances où nous sommes, un essai de pantalonnade n’a-t-il pas précisément le mérite de l’à-propos ; peut-être est-on, malgré soi, amené à penser que Mme Sand, avec les antécédens et les sympathies qu’en lui connaît, a eu besoin de s’abstraire bien violemment de ses préoccupations graves ou tristes pour ressusciter ainsi la bouffonnerie italienne dans ses plus folles fantaisies : cet essai lui donne-t-il du moins le droit de se représenter comme s’immolant à l’art, comme se dévouant, à ses risques et périls, pour lui frayer de nouvelles voies ou lui rouvrir de nouvelles routes ? Et s’agit-il de crier à l’incompris, à la persécution, presque au martyre, parce que le public n’a pris qu’un médiocre plaisir aux coups de pied de Pascariel et aux coups de rapière de Léandre ? Il est permis d’en douter.

Mme Sand paraît croire que tout le mal est venu de ce que l’on a ignoré ou dédaigné le point d’histoire littéraire auquel se rattachent les Vacances de Pandolphe. Hélas ! ce n’est point là la question. Si la pièce était amusante, si les rôles étaient dessinés avec précision ou finesse, si l’on pouvait démêler quelque chose de neuf ou de clair dans le tissu de l’intrigue, si l’auteur, en un mot, avait réussi à tenir le public attentif ou charmé pendant trois heures, il serait fort superflu de fouiller dans le vieux théâtre pour y trouver la généalogie de Léandre, de Colombine et d’Isabelle. Les érudits pourraient arriver après coup, discuter en quoi l’œuvre diffère ou se rapproche du répertoire primitif de la comédie italienne : l’auteur n’aurait pas besoin de s’inquiéter de cette origine, et il est probable que le succès la lui aurait fait oublier. Par malheur, les recherches historiques les plus consciencieuses, les études les plus approfondies, ne peuvent pas faire que les deux derniers actes de ces Vacances de Pandolphe ne soient pas une série de scènes décousues, jetées au hasard, où l’attention la plus patiente se lasse et se déconcerte à chaque instant, et où quelques traits heureux ne sauraient racheter le vide absolu de l’action, l’incohérence des caractères, et cette impression d’ennui et de tristesse, résultat inévitable de bouffonneries qui ne sont pas plaisantes et de folies qui ne sont pas gaies. Vouloir prouver le contraire à l’aide d’un examen rétrospectif du genre italien, c’est exactement comme si l’on essayait de démontrer qu’un homme ne peut être ni un poltron, ni un sot, parce qu’il a eu des ancêtres spirituels et intrépides.

Toutefois, même en acceptant le point de vue que Mme Sand a cherché à rétablir, il est encore très facile de s’expliquer son échec. Si nous ne nous