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dans la haine : aujourd’hui, on dirait des gens vieillis et fatigués qui ne veulent pas qu’on les dérange, et ne prétendent qu’à assurer, par des concessions réciproques, leur quiétude et leur repos. Ils rendent leurs arrêts sans y croire, et ne prennent au sérieux ni ces renommées qu’ils consacrent, ni ces œuvres qu’ils encensent, ni ces triomphes qu’ils proclament. Uri mot d’ordre est donné, le nom de l’auteur court de bouche en bouche : il signifie éloge ou blâme, succès ou chute, et tout est dit ; il n’y a plus qu’à se conformer au programme. Quoi de surprenant si, au milieu de ces accommodemens souscrits par l’indifférence au profit de la vanité, l’art en définitive s’amoindrit, et perd peu à peu son autorité et son charme ? On le sait : quand les augures commencent à ne plus pouvoir se regarder sans rire, c’est que les religions sont bien près de s’éteindre et les temples de s’écrouler. A. DE PONTMARTIN.


RECUEIL DE L’ACADÉMIE DES JEUX FLORAUX. Toulouse, 1851. — Les travaux de la province ont été plus d’une fois dans cette Revue l’objet d’une attention vigilante. Il est utile parfois de se rendre compte du’mouvement intellectuel des départemens. Nous ne sommes point de ceux, en effet, qui croient qu’on ne peut parler et cultiver les lettres qu’à Paris. D’estimables études sorties de quelques académies départementales montreraient suffisamment ce qu’il y a d’excessif dans cette prétention. Parmi ces institutions modestes de la province, l’académie des Jeux floraux, on le sait, occupe un des premiers rangs. Elle peut se faire justement honneur de son antiquité, quand elle y puise le sentiment qui a dicté l’intéressante publication des Monumens de la langue romane. Dans cet ordre de travaux, l’académie toulousaine peut poursuivre avec fruit, avec succès, des explorations qui ont du prix non-seulement pour l’histoire littéraire des provinces méridionales, mais pour l’histoire littéraire universelle. C’est par là qu’elle peut se faire honneur de son caractère traditionnel. Si, par ce genre d’études, l’académie des Jeux floraux peut se rattacher, à quelques égards, au mouvement de l’érudition contemporaine, elle a aussi son côté vivant et actuel par ses concours annuels d’éloquence et de poésie. Nous ne voulons point dire que dans cette éloquence et cette poésie il ne se trouve parfois un certain accent provincial assez distinct, et qu’il n’y ait surabondance de ces lieux-communs qui ont passé de nos jours pour de la poésie. Ces morceaux néanmoins en valent bien d’autres qu’on publie à Paris. La prose a également sa part dans le recueil des Jeux floraux. On y peut remarquer un discours de M. Rodière, professeur de droit à la faculté de Toulouse, sur les lettres et la profession littéraire. Le rapport sur le concours, œuvre du secrétaire perpétuel M. de la Jugie, est d’une critique simple, juste et nette. M. de la Jugie d’ailleurs est lui-même un poète des Jeux floraux, auteur de quelques fragmens distingués. Si ces sociétés littéraires de province, dont l’existence modeste ne laisse point d’être utile, sans sortir de leur sphère, avaient une idée suffisante de leur rôle, peut-être plus que jamais seraient-elles appelées à exercer une heureuse influence de direction et d’action autour d’elles, dans ce mouvement intellectuel dont le foyer principal reste à Paris sans doute, mais qui ne se compose que d’une série de rayons convergeant de tous les points de la France. CH. DE MAZADE.



V. de Mars.