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discours, mais de simples avis motivés que terminent des votes rapides par oui et par non. Ces votes n’ont lieu du reste, ainsi que les discussions publiques, qu’après lecture des rapports que rédigent les huit comités de la constitution, des finances, de la banque, etc. ; c’est au sein de ces comités que se fait le véritable travail de la diète. Le vote négatif d’un seul ordre est annulé par les votes affirmatifs des trois autres. Pour ce qui concerne toute modification à la loi fondamentale et aux attributions des grands pouvoirs de l’état, il faut que les quatre ordres se trouvent unanimes, et la proposition discutée par une diète ne peut être résolue définitivement que par la diète suivante, c’est-à-dire trois années après.

On aperçoit facilement les inconvéniens sans nombre qui doivent résulter de ce partage factice de la nation en quatre classes, de cette représentation équivoque et incomplète, et de ces entraves dont la constitution a cru devoir entourer le mécanisme de la diète et l’accomplissement des réformes. Le plus choquant aux yeux de ceux qui approuvent l’attribution des droits politiques aux plus dignes ou de ceux qui veulent les voir partagés entre tous, c’est la singulière anomalie qui, dans un état où les paysans sont représentés par un certain nombre des leurs, retranche de la nation les hommes instruits ou intelligens qui forment la classe moyenne, celle que nous rangerions chez nous sous la dénomination de bourgeoisie. Tel qu’il est constitué en Suède, l’ordre des bourgeois ne représente point en effet ce que nous appelons bourgeoisie en France : c’est une corporation avec ses privilèges, ses chefs particuliers et son esprit exclusif. Le titre de bourgeois implique l’accomplissement de conditions toutes spéciales, et celui qui ne les remplit pas, fût-il grand propriétaire ou grand industriel, savant ou magistrat, n’est rangé dans aucune classe de la nation.

À cette division bizarre de la société civile correspond dans l’ordre religieux le cadre officiel d’une église établie, non distincte de l’état. Nul n’est admis à aucun emploi, s’il ne produit un acte de confirmation, sacrement qui s’administre en Suède à l’âge de seize ans, après une longue et sérieuse instruction. Non-seulement l’état ne reconnaît aucune croyance en dehors du luthéranisme, mais le code criminel contient encore cet article : « Si quelqu’un abandonne la vraie doctrine évangélique pour embrasser une fausse doctrine, il sera banni du royaume et perdra tous ses droits civils, à moins que le roi ne lui fasse grace. » Tout dernièrement le gouvernement suédois a fait plusieurs applications de cette loi d’intolérance. La secte des lecteurs, qui prétend revenir, glace à une lecture scrupuleuse de la Bible, à la pureté primitive du luthéranisme, s’étant répandue dans plusieurs provinces de Suède, notamment dans le Norrland, le Smaland et la Scanie, un de ses prophètes, le paysan Erick Jansson, doué, selon ses disciples,