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LE


VIEUX ROB.





I


S’il est vrai que les morts, la nuit, quittent leur bière
Pour se désaltérer au bénitier de pierre,
Au vase de granit sur leur tertre placé,
Robin, ne restez pas dans votre lit glacé :
Il est, chez les vivans, une ame qui vous aime ;
Bien souvent un lait pur, un lait avec sa crème
Dans votre bénitier est versé jusqu’aux bords,
Car cette ame chrétienne est fidèle à ses morts ;
Et tant que sous le ciel vivra cette bonne ame,
Vous aurez ici-bas tout ce qu’un mort réclame
Dans votre bénitier des offrandes de lait,
Et les fervens soupirs tombant du chapelet.

II


Dans une lande immense, au seuil de sa chaumière
Bâtie en terre jaune et couverte en bruyère,
Mona disait un soir : « Hélas ! ma pauvre enfant,
« Est-ce vous là, malade, et sur l’herbe étouffant ?
« C’en est-il fait de vous, ma fille, ô mon amie,
« Qui, la nuit, près de moi reposiez endormie ?
« En tournant mes fuseaux, je vous gardais le jour,
« Pour vous sauver des loups ; et vous, avec amour,
« Léchiez mes vieilles mains, oui, ces mains maternelles
« Qui d’un lait trop pesant soulageaient vos mamelles.