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mieux les flatter jusque dans les exagérations de leur patriotisme. Si d’abord, pour combattre la Prusse, elle cherche son point d’appui dans les tendances traditionnelles de l’Allemagne au particularisme, aussitôt que le cabinet de Berlin s’avoue vaincu à Olmütz, elle s’empare de la position qu’il vient d’abandonner, et parle à son tour le langage de l’unité et du germanisme. Elle se pose devant les populations allemandes comme le véritable représentant du germanisme conquérant dans le passé et dans l’avenir. Pour preuve que telle est son essence, elle leur a proposé de faire figurer à Francfort les députés des peuples vaincus et d’ajouter à la confédération plus de vingt millions d’italiens, de Hongrois, d’illyriens, de Valaques, de Polonais, devenus les tributaires de l’archiduché d’Autriche. Cette proposition repoussée par les petits gouvernemens de l’Allemagne et par les grandes puissances signataires des traités de Vienne, l’Autriche n’en a pas moins adopté pour tactique de se montrer en toute occasion plus jalouse que la Prusse de l’honneur et de l’intérêt germaniques. Telle est notamment l’attitude du cabinet de Vienne dans la question non encore terminée du Holstein. Ce n’est plus de la Prusse, mais de l’Autriche que viennent, depuis un an, les difficultés qui retardent la solution définitive du différend soulevé dans les duchés danois par les prétentions de l’Allemagne. À la vérité, l’Autriche a porté dans cette question un sentiment particulier qui est pour une grande part dans les objections qu’elle oppose à la diplomatie danoise. Si le cabinet de Vienne n’admet point sans tergiversation la solution populaire en Danemark, qui consisterait dans la fusion politique et administrative du Slesvig dans le royaume, ce n’est point pour la seule satisfaction de réserver une chance aux ambitions de l’Allemagne sur le Slesvig, en empêchant l’unité danoise de se former. Cette unité repose sur une constitution très libérale que le Danemark s’est donnée très pacifiquement et très légalement. Quand la plupart des petits états de la confédération reviennent avec tant d’empressement sur les concessions faites en 1848, il est de mauvais exemple que le Danemark s’obstine à demeurer constitutionnel. En marchandant la paix que le cabinet de Copenhague sollicite, l’Autriche espère affaiblir l’autorité de cette constitution qui prétend embrasser le Danemark jusqu’à l’Eider. En somme, vis-à-vis de l’Allemagne, c’est l’intérêt germanique qu’elle affecte de défendre. Puisqu’on ne lui a point permis d’étendre les frontières de la confédération à l’est en s’y incorporant tout entière, elle voudrait du moins lui réserver la perspective, si chère aux imaginations allemandes, de s’étendre un jour au nord jusqu’au Jutland.

L’Autriche a d’ailleurs repris, sous une forme nouvelle dont elle poursuit avec ardeur le triomphe, ce projet d’incorporation dans l’Allemagne qu’elle semblait avoir abandonné. L’union douanière a été pour la Prusse un premier essai d’unité politique ; c’est à une union de la même nature que l’Autriche demande aujourd’hui cette unité plus vaste qui embrasserait le territoire compris du Rhin à l’Olto, de Hambourg à Venise. Pendant que le Zollverein prussien absorbe la petite union formée par le Hanovre, l’Oldenbourg, le Schaumbourg-Lippe et quelques parcelles du Brunswick sous le nom de Steuerverein, un congrès douanier est convoqué à Vienne pour y discuter le plan d’un Zollverein austro-allemand. La Prusse elle-même y est appelée. Dans la discussion qui a eu lieu récemment au sein des chambres prussiennes au sujet de la rati-